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Ceux de 14 livre critique avis

Critique / “Ceux de 14” (2013) de Maurice Genevoix

Tout juste rentré au Panthéon en novembre dernier, l’écrivain Maurice Genevoix fut sur le front dans la Meuse. Après avoir été réformé suite à de graves blessures, il publia cinq ouvrages. Véritable journaux de guerre,  Maurice Genevoix regroupa et redécoupa l’ensemble de ses écrits en quatre volumes pour former un livre unique, intitulé Ceux de 14 en 1949. L’avis et la critique sur ce livre

Cet article vous est proposé par un rédacteur-invité, le chroniqueur Chris L..

Synopsis :

1er août 1914 : la France décrète la mobilisation générale. Le 2 août, Genevoix, brillant normalien qui n’a pas 24 ans, rejoint le 106e régiment d’infanterie comme sous-lieutenant… Neuf mois plus tard, il est grièvement blessé et est réformé. Fin de la guerre pour le jeune Genevoix. Entre ce mois d’août 1914 et les trois balles qui l’atteignent, le 25 avril 1915 dans la Tranchée de Calonne, le jeune homme aura participé à la bataille de la Marne, marché sur Verdun et, surtout, pendant quatre longs mois, défendu les Éparges. Sur cette colline meurtrière, les combats se font au corps-à-corps, à la grenade, et sous le feu des obus. Entre l’été et le printemps revenu, il vit le quotidien du fantassin, la boue, le sang, la mort, alors que le commandement croit encore à une guerre courte.

Ceux de 14 : entre attente et vacarme

Aucune grandiloquence, aucun élan patriotique, seule la vie au jour le jour est relatée dans Ceux de 14 ; attente, ennui, désœuvrement, assauts, pertes de position, bombardements, pluie, boue, gadouille, froid glacial, morts et blessés.

Il faut creuser, toujours creuser, des tranchées, des sapes, des filons, des galeries, des fosses, des niches, des entonnoirs, des refuges, des bayous. Et il faut étayer tous ces travaux. Il faut attendre les ordres, les contre ordres, et se tenir prêts à se mettre en mouvement. Il faut négocier auprès des villageois pour pouvoir améliorer l’ordinaire, au niveau hébergement et nourriture, sans se faire escroquer.

Le temps s’écoule répétitif, entre première ligne, réserve et cantonnement. Tous les trois jours, en théorie, il faut changer de lieu. Après la période de repos au cantonnement, c’est l’attente en réserve au pied de la butte à prendre, puis c’est la montée en première ligne. Il faut impérativement conquérir cette butte, la tenir coûte que coûte, ne rien lâcher. Les orages d’acier sont violents et réguliers.

Le vacarme abrutissant et assourdissant des canonnades, des obus, des marmites, des schrapnells, des grenades, est insupportable. Dans les tranchées « …les corps se recroquevillent, les dos s’arrondissent, les têtes disparaissent sous les sacs… ». Immondices, odeurs nauséabondes et pestilentielles inondent les tranchées.

Un livre poignant et prégnant

La peur et les doutes assaillent Ceux de 14. Un peu d’eau de vie à jeun leur donne de l’énergie et du courage. Il faut être vigilant pour éviter qu’un coup de fusil claque et que la mort frappe. Les décès s’accumulent. Les blessés, moribonds pour certains, qu’ils gémissent, râlent, souffrent, délirent ou soient conscients que c’est fini pour eux,  doivent être réconfortés puis évacués.

Ceux de 14, ce sont ces hommes disparus, qui sous la plume de Maurice Genevoix ont repris vie. Il les refait baragouiner, parler, rire, chanter, manger et boire. Ils sont complices, solidaires et partagent une certaine fraternité. En cantonnement, à l’arrière du front, ils aiment recevoir du courrier et écrire à leurs proches. Des souvenirs d’avant la guerre égaient fugacement leurs existences.

Les émotions et sentiments des uns et des autres sont parfaitement rendus. Ils font semblant de vivre normalement. Aussitôt disparus, souvent oubliés, ils sont immédiatement remplacés.

Restent les souvenirs des instants partagés entre Ceux de 14, dans la mémoire des survivants. Et il y a l’ami disparu, Robert Porchon, Saint-cyrien de 21ans, avec qui Maurice Genevoix a tant partagé, et qui lui manque tant .

Véritable livre d’Histoire, Ceux de 14, est également un remarquable texte littéraire, avec une écriture élégante. Les descriptions de la nature dans sa beauté la plus pure au milieu de la folie guerrière sont superbes.

En entrant au Panthéon Maurice Genevoix, qui a aimé les hommes de sa section, les emmène avec lui. Ceux de 14, livre sobre et franc, permet d’être au plus près d’une réalité vécue où toute une génération fut sacrifiée dans une guerre absurde.  Deux mots pour conclure : poignant et prégnant.

En savoir plus :

  • Ceux de 14, Maurice Genevoix, Flammarion, octobre 2013, 960 pages, à partir de 25 euros
Bulles de Culture - Les rédacteur.rice.s invité.e.s

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