Dernière mise à jour : décembre 16th, 2015 at 02:21 pm
Quand l’intime et le politique se côtoient tout en délicatesse, cela donne Allende mon grand-père, un film documentaire de Marcia Tambutti Allende. Notre avis.
Synopsis :
35 ans après le coup d’État au Chili qui a renversé le gouvernement démocratique du président socialiste Salvador Allende, Marcia Tambutti Allende, sa petite-fille, part à la recherche des souvenirs familiaux, des images qui leur a été violemment arrachées.
Qui était Salvador Allende ?
“Une image fixe” pour Marcia Tambutti Allende, la petite-fille d’Allende et réalisatrice du documentaire Allende mon grand-père (2015). Elle n’est pas cinéaste, mais choisit pourtant le cinéma pour rompre le silence au sein de sa propre famille, traumatisée par le coup d’État du 11 septembre 1973 qui a renversé le gouvernement du président socialiste Salvador Allende et mis fin à la démocratie au Chili.
Tout s’est passé très vite. Ce 11 septembre, la Moneda, le palais présidentiel, est bombardé. Salvador Allende annonce à la radio son suicide imminent comme un acte dans la continuité de son combat politique, un acte de résistance. Le 12 septembre, Mercedes Hortensia Bussi Sotto de Allende, dite La Tencha, l’épouse du président, scelle une sépulture anonyme à 120 kilomètres de Santiago. Le 13 septembre, la famille est contrainte à l’exil vers le Mexique et Cuba. Elle s’éparpille, se disloque.
Les souvenirs familiaux sont violemment arrachés, effacés par la dictature qui prend place. Marcia Tambutti Allende, alors en bas âge, emporte avec elle l’image fantomatique de son grand-père, cet inconnu que tout un peuple vénère presque religieusement.
“Il était l’incarnation physique
d’un projet mystique,
au potentiel libérateur sans bornes.”
Marcia Tambutti Allende, en quête d’images perdues, de la figure du grand-père, surnommé “Chicho”, que l’Histoire lui a arrachée, signe avec Allende mon grand-père un très beau film, intime, sur l’absence et l’effacement des traces, sur la mémoire. Dans sa démarche, elle veut convoquer les souvenirs des siens, mais se heurte d’abord à leur silence car la souffrance est insoutenable. Le sujet est tabou.
Avec pudeur et tendresse, elle insiste, car pour elle, les souvenirs ne doivent pas disparaître avec les êtres. C’est alors qu’elle découvre des traces que l’on n’a pas voulu laisser, des visages qui n’apparaissent pas sur les photos, des photos que l’on ne voulait pas montrer, par amour, ou des photos que l’on ne veut pas voir. Un portrait d’un “Chicho” aux facettes insoupçonnées.
Homme politique qui s’endormait avec son mégaphone pendant les campagnes électorales et n’hésitait pas à hypothéquer les maisons familiales pour financer ces dernières, grand-père aux idées modernes en matière d’éducation, parfois absent mais formidablement à l’aise avec les enfants, époux avare en compliments… Salvador Allende était un homme aussi qui aimait flirter.
En filigrane à ce portrait se dresse celui d’une famille dont la vie fut entièrement et tragiquement orchestrée par la politique. Nous pénétrons dans l’intimité du drame, et lorsque le silence se brise, il prend tout son sens, le traumatisme sa profondeur.
Deux portraits de femmes marquants
Deux portraits de femmes sont particulièrement marquants. Celui de l’épouse de Salvador Allende, “Tencha”, âgée de 92 ans, magistrale. Et celui de Beatriz. Fille et secrétaire fidèle du président, elle s’exile à Cuba à la demande de son père avant que le coup d’État ait lieu. Elle se suicide quelques années plus tard, probablement “épuisée d’être un roc indestructible”, selon Isabel Allende, la mère de la réalisatrice du film.
Si au premier abord, le film peut sembler mal ficelé, certains plans injustifiés et inconfortables parce qu’ils détournent notre regard, les silences parfois trop longs, on revient rapidement sur cet a priori, comprenant que la forme est en adéquation avec le fond, n’oubliant pas que le parti pris du film est subjectif, intime.
En savoir plus :
- Date de sortie France : 09/12/2015
- Distribution France : Bodega Films
- Allende mon grand-père a reçu L’Œil d’or (prix récompensant le meilleur documentaire) au Festival de Cannes 2015
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