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Linda Vista San Diego - California par Dominique Pitoiset photo théâtre
© Cosimo Magliocca

Critique / “Linda Vista San Diego – California” de Dominique Pitoiset

C’est dans une Amérique contemporaine vue par les yeux d’un cinquantenaire désabusé que nous entraîne Linda Vista San Diego – California. Deuxième fois que Dominique Pitoiset présente sur la scène française une œuvre de Tracy Letts. On applaudit. L’avis et la critique théâtre de Bulles de Culture sur ce spectacle découvert au Théâtre Dijon Bourgogne.

Synopsis :

Wheeler (Jan Hammenecker) a cinquante ans. Il emménage à Linda Vista seul, après son divorce… Divorce causé par la découverte de sa liaison adultère par son épouse. Ce réparateur d’appareil photo reste pourtant un séducteur actif, notamment auprès de la vendeuse du magasin Anita (Selma Alaoui) que son lubrique patron (Jean-Michel Balthazar) a embauchée pour des raisons très spécieuses. Poussé par un couple d’amis, Paul (Jean-Luc Couchard) et Margaret (Nadia Fabrizio), il rencontre la pétillante Jules (Sandrine Blancke), coach de vie. Mais c’est sans compter sur l’attirance qu’il éprouve pour Minie (Daphné Huynh), jeune femme rock qui le renvoie à sa jeunesse perdue.

Linda Vista San Diego – California : la comédie humaine

Linda Vista San Diego - California par Dominique Pitoiset photo théâtre
© Cosimo Magliocca

Un homme pathétiquement lubrique, le patron du magasin ; une jeune femme sensée et prudente, Anita ; un cinquantenaire cynique qui consomme les femmes, Wheeler ; un couple rongé par ses habitudes et ses blessures, celui de Paul et Margaret ; une quarantenaire romantique mais indépendante, Jules ; et une toute jeune femme pétrie de contradictions qui cherche à tracer son chemin, Minie. Un drame à sept personnages tous hauts en couleur, c’est ce qu’offre Linda Vista San Diego – California.

Dominique Pitoiset saisit avec justesse le sel des situations et met brillamment en scène le cynisme de Wheeler, qui entre d’ailleurs en écho avec celui de l’auteur. On rit, on rit même de tous les personnages à vrai dire. Du caractère acariâtre et caustique de Wheeler que Jan Hammenecker incarne à merveille. De la mièvrerie de la pensée excessivement positive de Jules — Sandrine Blancke est formidable ! De l’admiration que le taiseux Paul porte à son ami, lui qui est casé et resté avec Margaret par défaut.

Les situations aussi — cocassement drôles — viennent apporter un regard acerbe sur le jeu de la séduction. Du karaoké au restaurant, de la séance de film aux scènes de coït dans le salon, on s’amuse des rôles, des faux-semblants, des postures et des échecs des un-e-s et des autres. Comme si l’angoisse de vieillir seul-e, de vivre seul-e, de mourir seul-e pouvait rendre aveugle à toutes les absurdités d’un jeu (souvent) surfait.

Des femmes d’aujourd’hui

En plus de porter un regard distancié sur le rapport de Wheeler à la séduction et aux femmes, la pièce de Tracy Letts apporte un éventail de visages aux femmes qui composent la société d’aujourd’hui. De la vingtaine à la cinquantaine, toutes s’affirment et ne se laissent pas faire. 

Dominique Pitoiset met en avant le triangle tragique qui se dessine entre Wheeler, l’entreprenante (et entrepreneuse) Jules et la pragmatique Minie. Si le tragique du drame reste sans cesse lié à une forme de grotesque, c’est bien l’échec de la posture masculine de conquête qui est mise en échec — ou du moins en difficulté.

D’ailleurs à travers le trio de femmes constitué d’Anita, Minie et Jules, on observe différentes facettes d’une forme d’émancipation, de libération et d’indépendance féminines. Car si la romantique Jules fait rire par sa naïveté apparente, elle n’en demeure pas moins indépendante, autonome, en quête de son bonheur propre. De même, le personnage de Minie montre recul, distance et prudence. Quant à celui d’Anita, il permet de mettre au jour ce qui est aujourd’hui appelé sexisme bienveillant.

Nul doute en tout cas que Linda Vista San Diego – California démontre la pertinence et la nécessité d’une vision aussi acérée et sarcastique que peut l’être celle de Tracy Letts sur la scène française !

En savoir plus :

Morgane P.

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