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Macbeth (The Notes) par Dan Jemmett photo Théâtre contemporain
© Patrick Berger

[Critique] “Macbeth (The Notes)” par Dan Jemmet et David Ayala

Dernière mise à jour : septembre 30th, 2021 at 10:19 am

Macbeth (The Notes), un seul en scène drôle et passionnant, porté par un David Ayala virtuose et mis en scène par Dan Jemmet, nous plonge dans les coulisses de la création théâtrale. L’avis et la critique théâtre de Bulles de Culture.

Synopsis :

Un metteur en scène lit et commente à son équipe (presque) au complet les notes qu’il a prises lors de la dernière répétition de son Macbeth.

Macbeth (The Notes) : un impressionnant seul en scène

Vous êtes parisiens ? Vous avez jusqu’au 13 octobre pour foncer au théâtre du Lucernaire. David Ayala y interprète Jean-Pierre, un metteur en scène au bord de la crise de nerfs, à quelques jours de la première d’un très ambitieux Macbeth.

Naturellement, tout va à vau-l’eau. Rien, ou presque, ne trouve grâce aux yeux de l’artiste déchaîné. Dans un tempo d’enfer, il submerge ses comédiens,  costumière et autres techniciens — nous, spectateurs, qu’il prend personnellement à partie — de compliments hyperboliques imbibés de fiel, d’indications avortées, de références cryptiques à des théories abstruses… Cela ressemble d’abord à un langage codé, compréhensible aux seuls initiés. Mais très vite, derrière le petit bout de la lorgnette que l’on nous tend, surgit un monde parfaitement incarné avec son esthétique, ses enjeux, ses protagonistes. Caresses et coups de griffe du metteur en scène donnent vie à chacun de ses interlocuteurs : Stéphanie, la lady Macbeth so sexy, Rachid, le Banquo à l’agonie ratée, Reiner, le scénographe tellement génial, Sylvie, la maquilleuse au coup de pinceau trop appuyé et la seule à avoir esquivé la réunion — l’aurait-on poussée à bout ?… Trempé de sueur, David Ayala se démène, mime, rythme, chantonne, bondit, cherche et interpelle. Il improvise aussi au fil de son inspiration du moment, du répondant des spectateurs ou d’accidents de parcours… comme l’arrivée de retardataires.

Immersion dans un cerveau en fusion

Et peu à peu, malgré ses travers, on se surprend dans ce Macbeth (The Notes) à respecter ce metteur en scène littéralement dévoré par la pièce qu’il prépare. Tout ce qu’a vécu, appris, pensé Jean-Pierre, toutes ses facultés physiques et mentales semblent galvanisés pour donner corps à sa vision. Mais surtout, au détour des coups de gueule de cet allumé, un poil prétentieux et un rien mesquin, entre outrances désopilantes et digressions fantasques mêlant Bip Bip et Coyote, à La Soif du mal d’Orson Wells ou au Château de l’araignée d’Akira Kurosawa, se glissent des éclairages fulgurants sur Macbeth. Et on encaisse au passage une véritable leçon de théâtre. On comprend alors, pourquoi parler de cette pièce ultra violente sur la condition humaine devient un sujet si passionnant pour ceux qui la montent. Que des gens puissent s’y consacrer de manière obsessionnelle.

Un final saisissant

On le comprend d’autant mieux, que des scènes clés de la tragédie elle-même se glissent dans le spectacle. Contrepoint au caractère exalté de Jean-Pierre, des fragments d’une parfaite sobriété viennent ponctuellement ressusciter la cruauté de cette Ecosse médiévale. L’ambiance change alors du tout au tout. On bascule dans la magie. Noir. Et dans le gros plan d’une découpe lumineuse, David Ayala habite les personnages de Shakespeare pour nous offrir quelques interprétations magistrales. Son Lord Macbeth, est une pure merveille. Il est vrai que l’acteur est rompu aux drames élisabéthains. Il a joué, en d’autres lieux et d’autres temps, Hamlet, Richard III, Coriolan et, bien sûr, Macbeth…

Un mot pour finir sur les deux derniers actes de la pièce, généralement décrits comme un bain de sang : ils sont représentés dans Macbeth (The Notes) de manière saisissante et sur une idée assez géniale, mais nous n’en dirons pas plus.

Un spectacle rodé

Ce qui est intéressant ici, c’est que le personnage de Jean-Pierre n’est pas abordé de l’extérieur. Même s’il est drôle, très drôle, ce n’est pas une caricature. David Ayala, rejette d’ailleurs le terme de parodie. Etant lui-même metteur en scène, il sait de quoi il parle. Et puis, ce spectacle, il l’a co-écrit avec un autre fondu du dramaturge du XVIIe siècle, Dan Jemmet, à qui il attribue une culture shakespearienne « encyclopédique ». C’est d’ailleurs Dan Jemmet qui a mis en scène Macbeth (The Notes), un spectacle désormais rodé puisque, depuis sa conception en 2013, il est repris presque chaque année, dont une fois en 2015 aux Théâtre des Bouffes du Nord.

En savoir plus

  • Macbeth (The Notes) du 28 août au 13 octobre 2019 au théâtre du Lucernaire (Paris, France). Du mardi au samedi à 19h, le dimanche à 16h (relâche le lundi)
  • D’après William Shakespeare
    Ecriture et adaptation : Dan Jemmet et David Ayala
    Mise en scène : Dan Jemmett
    Interprète : David Ayala
  • Durée : 1h25
Danielle Molson

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