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Van Gogh et le Japon de David Bickerstaff affiche film documentaire cinéma

♥ [Critique] “Van Gogh et le Japon” (2019) : un voyage passionnant et captivant

S’appuyant sur l’exposition éponyme, le documentaire Van Gogh et le Japon (Van Gogh & Japan) de David Bickerstaff propose un voyage magnifique dans la passion japonisante du peintre et dans son oeuvre. L’avis et critique film de Bulles de Culture pour ce dépaysement garanti et coup de coeur.

Synopsis :

L’exposition Van Gogh et le Japon a rencontré un grand succès en 2018 au Van Gogh Museum d’Amsterdam. Le film du même nom permet de comprendre l’intérêt d’une telle exposition en retraçant d’une part ce qu’est le Japon à l’époque de Van Gogh, en mettant en lumière la passion obsessionnelle du peintre pour cette contrée qu’il découvre grâce aux estampes, et en montrant les intrications entre cette passion irrationnelle et son oeuvre de peintre.

Van Gogh et le Japon : sur les traces d’une curiosité magnifique

Van Gogh et le Japon de David Bickerstaff image film documentaire cinéma
“The Plum Garden at Kameido Shrine”, 1857
© David Bickerstaff

Van Gogh et le Japon s’ouvre sur un paradoxe : si le peintre n’est jamais allé au pays du Soleil Levant, ce dernier a cependant été sa plus grande source d’inspiration. On sait grâce à sa correspondance que le peintre a été l’acheteur de 660 estampes japonaises, non pas célèbres et précieuses, mais attachées à décrire le quotidien. On sait également qu’il pensait au départ les revendre à profit, et qu’il n’en a rien été.

Le réalisateur David Bickerstaff livre dans ce sillage des informations essentielles sur ce qu’est le Japon du XIXe siècle, sur l’essor du japonisme en Europe et sur les grands leviers de son idéalisation chez Vincent Van Gogh. Documents d’archives, photographies, nombreuses images d’estampes viennent ponctuer la première partie de ce documentaire. Somme toute, on voyage avec le peintre dans un Japon imaginaire et les estampes filmées sont si splendides qu’on comprend bien les couleurs qui ont pu éveiller la curiosité du peintre néerlandais.

Et puisque le peintre n’a jamais mis les pieds sur le sol japonais, on découvre quels ont été ceux qui ont contribué à la vision qu’il s’en ait fait. C’est tout un microcosme parisien, épris d’art et de curiosité, qui se livre alors à nous. De l’univers romanesque de Pierre Loti aux fantasmes que dessinent les estampes qui s’achètent à Paris, du marchand de tableaux Pierre Tanguy au cercle des frères Goncourt, le gratin culturel dans lequel Vincent Van Gogh peine à trouver sa place se dévoile autour de cette passion japonisante soudaine.

Le Japon : un déclencheur du regard propre à l’artiste ?

Van Gogh et le Japon de David Bickerstaff image film documentaire cinéma
“Courtisane (d’après Eisen)”, 1887
© David Bickerstaff

Visant d’abord à explorer l’influence des estampes japonaises sur le peintre Vincent Van Gogh, le film documentaire Van Gogh et le Japon explore les premières oeuvres de l’artistes, proches de la copie. Ainsi en est-il de la Courtisane, oeuvre datant de 1887. Si la copie est un moteur évident de l’apprentissage artistique, ce qui saute toutefois aux yeux dans le cas de Vincent Van Gogh, c’est son appropriation de cet art japonais.

Si les motifs renvoient aux estampes, les couleurs que le peintre emploient lui sont propres et les détails montrent le lien qu’il fait entre différentes oeuvres. La lecture que David Bickerstaff propose d’oeuvres comme le Portrait du père Tanguy ou de Montmartre derrière le Moulin de la Galette confirment bien l’influence de l’art des estampes japonaises.

Mais là où Van Gogh et le Japon surprend le plus, c’est dans la relecture des oeuvres du départ en Provence du peintre que le film propose. Les extraits des lettres à son frère Théo ainsi que les échanges qu’il entretient alors avec Paul Gauguin montrent et confirment que Vincent Van Gogh découvre les paysages de Provence sous le prisme déformant du japonisme. 

Van Gogh et le Japon : un intérêt réciproque

Van Gogh et le Japon de David Bickerstaff image film documentaire cinéma
“Pont sous la pluie (d’après Hiroshige)”, 1887
© David Bickerstaff

Avec Van Gogh et le Japon, on découvre également des oeuvres telles que La Mousmé ou Le Zouave. Comment le Japon est-il influent dans ces oeuvres sur le folklore provençal ? C’est ce que David Bickerstaff rend sensible et éloquent dans son documentaire.

La façon dont le peintre croque les paysages, dessine ses lignes d’horizon, s’attache aux détails, cela s’entend. Mais Van Gogh et le Japon montre également à quel point l’art du portrait dans lequel le peintre s’essaye en est un autre reflet. On redécouvre alors le Portrait de Camille Roulin, ou encore un Autoportrait de 1888 dans lequel Vincent Van Gogh se voit en bonze. Dans l’un et l’autre cas, la référence au Japon est prouvée.

Aussi Van Gogh et le Japon excelle-t-il, lettres et spécialistes à l’appui, à montrer quelle lecture japonisante le peintre fait de ses propres oeuvres sur le moment et à quel point pourtant, il s’écarte de l’art japonais pour créer sa propre particularité. Peut-être la folie de Vincent Van Gogh est-elle d’ailleurs l’un des éléments permettant de comprendre cette passion démesurée pour ce pays qu’il n’a jamais visité.

L’influence des estampes sur son art et le mythe qui se crée autour de cet artiste, qui travaille de façon acharnée et qui sera brûlé par son propre génie, font tardivement du peintre un objet d’intérêt réel dans le Japon d’aujourd’hui. Aussi le peintre parvient-il aujourd’hui à susciter au Japon l’intérêt que le pays éveillait chez lui, une ironie tragique sur lequel Van Gogh et le Japon s’achève brillamment.

Que l’on connaisse bien ou peu Van Gogh, on est en tout cas extraordinairement transporté-e par les plans que Van Gogh et le Japon offre sur les tableaux de l’artiste que l’on a de toute évidence peu l’occasion de voir d’aussi près ! La lecture qui en est faite est en même temps lumineuse et éclairante. C’est un film documentaire coup de coeur pour Bulles de Culture.

En savoir plus :

  • Date de sortie France : 05/06/2019
  • Distribution France :  Seventh Art Productions
Morgane P.

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