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Agnès Varda au Festival du Film International de Marrakech 2018
© Ph Jannat

Conversation avec Agnès Varda au Festival International du Film de Marrakechh

Dernière mise à jour : avril 9th, 2019 at 09:57 am

Le Festival International du Film de Marrakech 2018 a convié la réalisatrice Agnès Varda à un moment d’échanges avec le public lors d’une “Conversation with”. Retrouvez les moments forts de cette rencontre avec Bulles de Culture.

C’est la plus âgée des cinéastes en activité (90 ans) que le festival marocain a décidé d’inviter pour sa 17ème édition. Après avoir reçu un hommage appuyé ce dimanche, la réalisatrice Agnès Varda retrouve le public du festival pour une conversation avec lui, et non une masterclass comme le précise-t-elle. “Je ne suis ni master, et je ne donne pas de classe“. Photographe, réalisatrice, parfois même actrice, Agnès Varda démontre avec sa filmographie sa curiosité et sa soif de découvertes. Elle incarne ainsi tout autant des combats engagés, comme celui des femmes, que l’aventure.

Les débuts d’Agnès Varda

Agnès Varda le revendique, elle a travaillé toute sa vie, ayant débuté à 20 ans et continuant aujourd’hui son activité. La photographe commence sa carrière en acceptant de faire des petits boulots aux Galeries LaFayette lors des saisons de Noël. Celle-ci voyait alors défiler plus de 400 enfants par jour qui voulaient tous se faire prendre en photo avec le Père Noël. La réalisatrice indique n’avoir aucun diplôme à part le baccalauréat. “Je me suis cultivé sur le tas“, précise-t-elle. C’est ensuite les photographies de mariage qui monopolisent Agnès Varda. Lors d’un tel événement, la jeune femme prenait, avec une amie, les clichés le matin, rentrait vite dans son atelier pour les développer afin de revenir à la fin du repas. Un mariage lui permettait de vivre pendant un mois.

C’est à 25 ans qu’Agnès Varda rencontre le cinéma. Elle écrit son premier scénario après avoir observé des pêcheurs d’une petite bourgade : “J’avais été impressionnée par le problème de cette communauté qui se battait contre des grosses sociétés voulant les empêcher de pêcher des coquillages“. Cela aboutit à son oeuvre L’Ete 54, film de cinémathèque réalisé à partir de rien. “Je n’avais aucune influence, je n’avais rien vu. C’était spontané que de mettre en opposition le social et le privé. Le film a d’ailleurs été fait avec des bénévoles“.

La cinécriture

Agnès Varda a inventé le terme de “cinécriture”. Elle revient sur ce concept bien à elle : “Quand on parle d’un scénario, on parle souvent des dialogues. On dit qu’ils sont bien écrits. Mais l’écriture ne se réduit pas seulement à l’écriture des dialogues. C’est un tout, un choix de chaque instant. On va penser au montage, à la manière de filmer. L’ensemble forme ce que j’appelle la ‘cinécriture’“.

La réalisatrice argumente autour de ce concept de “cinécriture” en résumant la confection d’un long métrage autour de trois termes clés : l’inspiration, ce qui met en route le désir de faire un film ; la création, c’est le travail pur et simple ; et le partage, moment où l’oeuvre est montrée au public. La cinéaste insiste sur cette dernière étape. “Quand je tourne, je pense constamment aux gens qui voient le film. C’est pour cela que je pars d’une base narrative très compréhensible, comme une femme à la rue confrontée à la misère humaine, puis je propose des digressions qui parleront selon les sensibilités de chacun. Le public choisit de me suivre en prenant des chemins dérobés ou de rester sur le premier degré de lecture“.

Sur les images

C’est la curiosité de l’instantané qui pousse la créativité d’Agnès Varda. “Quand je regarde une photo, je me demande toujours ce qu’il peut bien se passer avant et après. Chaque image contient tout ce qu’on ne sait pas. Il faut alors lui donner vie en essayant de construire des petits scénarios autour d’elle“. Cette artiste, cataloguée de la Nouvelle Vague, réfute cependant l’existence même de ce courant. “On m’a assimilé à la Nouvelle Vague, mais ce n’était pas un groupe homogène comme en peinture. Les réalisateur ne se réunissaient pas pour échanger des idées. Ils étaient chacun dans leurs coins avec des idées nouvelles… et qui ne coûtaient pas chères à produire“.

La fiction

La Nouvelle Vague permet d’évoquer avec Agnès Varda ses propres fictions comme Sans toit ni loi (1985).  La réalisatrice souhaitait raconter dans ce film le destin d’une jeune clocharde, livrée à elle-même. “A l’époque, j’avais vu le film A nos Amours (1983) de Maurice Pialat. On y découvre la jeune Sandrine Bonnaire auquel j’ai tout de suite pensé pour le rôle principal de mon long métrage“. Le long métrage témoigne du regard singulier que l’auteure a toujours porté sur les personnes.

Visages, Villages

La conversation se termine inévitablement par l’évocation de son dernier documentaire : Visages, Villages.  C’est la première fois que la réalisatrice s’associe avec quelqu’un. Elle trouve son compagnon de route en JR, de 55 ans son cadet. Néanmoins, ils parcourent sans aucun problème ensemble les routes de France avec un objectif commun : “Ne plus évoquer les mannequins qui vendent des belles robes mais mettre en avant les gens lambda qui méritent également d’afficher leur image en grand sur les murs“. Muni d’un camion qui tire des grandes photos instantanées, le duo est en contact avec la France profonde, “une France qui n’est pas en colère mais qui est travailleuse“, conclut Agnès Varda.

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Antoine Corte

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