Sur Bulles de Culture, art, cinéma, littérature, musique, spectacles, télévision... chaque jour, la culture sort de sa bulle.
KINGS de Katia Lewkowicz, Veronique Tard affiche série documentaire

[Critique] “Kings” (2018) de Mika Tard et Katia Lewkovicz

Dernière mise à jour : juin 19th, 2019 at 09:45 am

Dans Kings, une mini-série documentaire diffusée sur Canal+ Décalé à partir du vendredi 29 novembre 2018, Mika Tard et Katia Lewkovicz explorent l’une des obsessions de l’époque : la question du genre. Sur dix épisodes, elle déguise des artistes femmes en hommes pour déconstruire les clichés accolés à la virilité. L’avis et critique de Bulles de Culture sur cet objet télévisuel non identifié, décalé et jubilatoire.

Synopsis :

Dans chaque épisode, Mika Tard, déguisée en homme, entraîne différentes célébrités féminines dans l’expérience du travestissement. Ensemble, elles se confronteront avec jubilation aux différents codes de la virilité et nous feront part de leurs sensations, questionnements et réflexions. Avec notamment les Brigitte, Océan, Nicole Ferroni, Cécile de France, Ludivine Sagnier

Kings : Un casting de rêve

À l’annonce de cette série, on a dû se pincer pour y croire : Mika Tard a eu le nez pour choisir les meilleures cinéastes, chanteuses et humoristes du moment — ou alors, elle a exactement les mêmes goûts que nous. Comme dans Dix pour cent, le casting de stars dans la série documentaire Kings est impressionnant et éclectique : Rebecca Zlotowski, Marie Amachoukeli, Fishbach, Marina Foïs

L’idée de construire chaque épisode autour d’un duo est aussi excellente : la complicité est palpable (comme la chaussette dans le pantalon) et c’est un bonheur de regarder ces amies se grimer, se moquer d’elles-mêmes. Grâce à la bonhommie — c’est le cas de le dire ! — de Mika Tard et à l’amitié qui lie à chaque fois le duo, chaque épisode se laisse regarder comme si on s’invitait chez des potes pour une soirée déguisée. A cet égard, l’épisode avec Amel Bent et Melha Bedia est un bonheur, on rit très fort dès les premières secondes.

Déconstruire les clichés

KINGS de Katia Lewkowicz, Veronique Tard image série documentaire
Sarah Stern et Eye Haidara
© Philippe Mazzoni/CANAL+

Mais la série documentaire Kings va plus loin qu’une bonne farce, puisqu’une fois leur barbe posée, leurs seins camouflés et leur pantalon rembourré, les personnalités sortent dans la rue pour expérimenter leur nouveau genre. Les déguisements sont bien faits, mais il faut bien avouer qu’il est parfois compliqué de camoufler la féminité de certaines. Par exemple, difficile de croire au déguisement d’Aurélie Saada et Sylvie Hoarau du groupe Brigitte, incarnation parfaite de la féminité triomphante. Malgré tout, certains hommes se font avoir dans un bar, pendant un bref instant. Cet épisode est particulièrement marquant : Aurélie Saada explique que, contrairement à ce qu’on pourrait instinctivement penser, elle s’est sentie plus fragile grimée en homme, elle qui porte d’habitude sa féminité comme une armure.

Kings déconstruit très bien les clichés qu’on accole au masculin. Tourné à La Défense, l’épisode avec Eye Haïdara et Sarah Stern suit un peu la même idée — pas si facile d’être un homme, eux aussi doivent en permanence porter un masque de virilité et de force, etc. — jusqu’à une confrontation verbale dans un bar à cigares (!). Les deux actrices et Mika Tard viennent de révéler qu’elles sont déguisées, et les hommes avec qui elles discutaient changent d’attitude. “Pourquoi vous faites ça ?” veulent-ils absolument savoir. Comme si, analyse Sarah Stern plus tard, elles avaient marché dans leurs plate-bandes.

Après cette question, s’ensuit un discours victimaire de la part des fumeurs de cigares, et du coup complètement paradoxal : “Mettez-vous à la place des hommes !” (alors que c’est exactement ce qu’elles font…) On vous passe les “On est totalement opprimé !” et autres “C’est le règne des minorités !”

Entre caméra cachée et docu-fiction, une véritable réflexion

L’amateurisme revendiqué de la réalisation de la série documentaire Kings (tout est filmé à l’iPhone) ajoute à la sympathie de l’œuvre. Petit bémol : il n’est parfois pas simple de distinguer quand et comment les personnalités révèlent qu’elles sont déguisées. Les personnes les plus déconstruites pourraient faire tiquer sur certains points, mais Kings offre un parfait début de réflexion sur la masculinité et les masques que chacun porte en fonction de son genre.

Grâce au parti-pris très intelligent de choisir un angle pour chacun des chapitres, Kings soulève ainsi de vrais questionnements. Par exemple, l’épisode avec Marina Foïs et Fishbach est centré sur la question de la séduction, d’autant plus complexe à l’heure de Tinder. On reste toutefois violemment sur sa faim à la fin de l’épisode : le personnage de Marina a-t-il pu oui ou non conclure avec son date ?

Malgré la courte durée de chaque épisode (10 minutes seulement !) et grâce un dispositif de déguisement qui semble simple, Kings en dit long sur une époque post-Metoo aux prises avec les lourdes normes du genre. En plus, on rit beaucoup ! Mika Tard et Katia Lewkovicz parviennent à proposer un excellent divertissement, à la fois drôle et pertinent.

En savoir plus :

  • Kings est diffusée sur Canal+ Décalé à partir du jeudi 29 novembre 2018. La série documentaire est également diffusée en streaming et disponible en replay sur myCanal
Lauriane N.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.