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Photo de Marcel Gisler réalisateur du film Mario
© D.R.

[Interview] Marcel Gisler, réalisateur du film “Mario”

Dernière mise à jour : juin 1st, 2021 at 04:40 pm

Marcel Gisler est le réalisateur du film suisse Mario qui sort en vidéo dès le 3 juillet 2018 avant sa sortie en salles de cinéma le 1er août. Ce long métrage évoque un amour gay tumultueux entre deux footballeurs professionnels. Bulles de Culture a rencontré le cinéaste à l’occasion du Festival de Cannes 2018. Notre interview.

Synopsis :

Pour la première fois de sa vie Mario (Max Hubacher), un jeune footballeur, tombe amoureux de Léon (Aaron Altaras), nouvel attaquant venu d’Allemagne. Mais dans l’équipe, des rumeurs commencent à circuler sur leur relation et Mario voit sa carrière compromise pour intégrer un club de première division.

Interview de Marcel Gisler, réalisateur et co-scénariste du long métrage Mario

Bulles de Culture : Quel est votre parcours dans le cinéma ?

Marcel Gisler : J’ai grandi dans la campagne de la Suisse de l’Est. Nous n’avions pas trop la possibilité de regarder du cinéma. J’ai découvert le cinéma à la télévision. A l’époque, les programmes étaient beaucoup plus intéressants. Les chaines montraient des films d’auteur. A la fin du lycée, je me suis décidé à me lancer en tant que cinéaste. Lorsqu’on est jeune, on n’y croit pas vraiment. Le métier de réalisateur est une illusion.

A 21 ans, j’ai quitté la Suisse. J’ai tenté l’Académie d’art à Berlin mais ils ne m’ont pas pris. J’ai alors travaillé en autodidacte avec du cinéma de copain. A 25 ans, j’ai fini mon premier film avec mes camarades. Ce film était influencé par la Nouvelle Vague et par Jim Jarmusch. Le cinéma allemand était également une grande influence : Bergman, Fassbinder… Après mon premier long métrage, j’ai fait un court qui a remporté le Prix d’argent au Locarno Festival. Des chaînes de télévision ont alors aimé ce premier film et j’ai reçu un soutien financier pour mes trois films suivants.

Bulles de Culture : Pourquoi se lancer dans un scénario sur le milieu gay dans le football professionnel ? 

Marcel Gisler : Je ne suis pas un fan de foot. Le coauteur, Thomas Hess, l’est. Il était à la recherche d’une histoire de foot. Il n’avait pas trouvé le conflit intérieur du personnage. Un jour, il s’est posé la question de l’homosexualité dans ce milieu sportif. Quand il m’a proposé le sujet, je me suis dit que cela devait déjà être fait dans le cinéma. Ce n’était pas le cas. Il n’existait aucune histoire d’amour entre deux footballeurs professionnels. J’ai d’ailleurs trouvé que c’était incompréhensible que ce soit encore un tabou. J’ai eu alors la possibilité de parler avec Marcus Uban, premier joueur de football professionnel allemand à avoir révélé son homosexualité. Il n’avait pas supporté le jeu de cache-cache et avait arrêté sa carrière. Aujourd’hui, ce sportif est très engagé dans les droits de la communauté LGBT. Sur un joueur de foot, il y a déjà une pression énorme pour qu’il rapporte de l’argent. Un joueur joue pour un pays. Un joueur gay doit en plus supporter le mensonge à soi-même.

“Mario est dans une situation où il n’a pas le choix”

Bulles de Culture : Avez-vous vu une évolution dans le milieu sportif concernant la tolérance ? 

Marcel Gisler : Il y a une évolution. Dans certains clubs, il y a une sensibilisation. Il y a une éducation des coachs. La FIFA a également négocié que le drapeau gay soit montré pendant la Coupe du monde de football en Russie. Mais c’est hypocrite car on sait comment la Russie traite les gays dans son pays.

Bulles de Culture : Pourquoi avez-vous choisi de suivre Mario, celui qui renonce à l’amour pour sa passion ? 

Marcel Gisler : Son conflit intérieur est plus grand. Il n’a pas la force de se révéler face au système. La souffrance est plus forte. Je voulais faire un film qui soit dans la réalité. Je n’avais pas envie d’édulcorer. J’ai rencontré au moins 4 joueurs gays qui jouent des faux couples et ont une femme pour leur image publique. Mario est dans une situation où il n’a pas le choix. Son père a choisi pour lui. Toute l’identité du jeune homme est construite autour de ses performances sur le terrain. Il a seulement cette idée de gagner.

Bulles de Culture : Parlez-nous un peu du personnage du manager ?

Marcel Gisler : Le manager est le meilleur père. Ce personnage est très ambigu car si Mario va bien émotionnellement, il va jouer mieux. Il y a une ambivalence dans ce personnage car ses desseins sont aussi rythmés par le business. Il est pourtant une figure bienveillante.

Le sexe homosexuel, une “question d’éducation”

Bulles de Culture : Comment expliquez-vous que les films sur les amours impossibles gays soient autant en vogue actuellement au cinéma avec Call Me By Your Name, Plaire, aimer et courir vite… ? 

Marcel Gisler : En Allemagne, on les voit depuis longtemps notamment avec Rainer Werner Fassbinder. En France, c’est plus récent. Après, les cinéastes sont intelligents. Ils ont trouvé dans cette thématique un conflit très fort qui existe depuis la nuit des temps.

Bulles de Culture : Comment avez-vous rencontré l’acteur principal, Max Hubacher ?

Marcel Gisler : C’était mon premier choix sur le rôle. Je l’ai rencontré très tôt. Il était fasciné par le scénario. Il a joué au foot. C’était une condition essentielle pour interpréter ce rôle. Il y a eu une alchimie avec son partenaire, Aaron Altaras, qui est plus fort physiquement mais également plus sensible.

Bulles de Culture : Comment expliquez-vous la gêne de certains jeunes spectateurs devant le film Mario alors que celui-ci ne comporte aucune scène explicite ? 

Marcel Gisler : C’est une question d’éducation. Est-ce qu’ils auraient également réagi comme ça si c’était des hétérosexuels ? On est là au centre du sujet de mon film. Il y a toujours une retenue face au monde gay. Quand deux hommes se battent, il n’y a pas de problème. Alors que quand ces hommes font l’amour, cela cause toute une polémique.

Propos recueillis le 18 mai 2018 dans le cadre du Festival de Cannes.

En savoir plus :

  • Disponible en DVD chez Epicentre Films à partir du 03 juillet 2018

 

Antoine Corte

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