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Mon ami n'aime pas la pluie par Fargass Assandé, Paul Francesconi, Odile Sankara photo
© Tristan Jeanne-Valès 1

[Critique] “Mon ami n’aime pas la pluie” par Fargass Assandé, Paul Francesconi et Odile Sankara

Dernière mise à jour : avril 11th, 2019 at 05:16 pm

Une belle incursion en terre africaine pour Théâtre en mai 2018 avec le spectacle Mon ami n’aime pas la pluie sur un texte de Paul Francesconi et une mise en scène associant l’auteur plus Fargass Assandé et Odile Sankara. L’avis et la critique théâtre de Bulles de Culture.

Synopsis :

Sur des terres arides, une maison isolée abrite Nel (Yaya Mbile Bitang) et Dom (Fargass Assandé). Le couple vit replié sur lui-même quand survient une présence étrange, celle d’un étranger (Michel Bohiri) qui se tapit dans l’ombre et apporte avec lui la pluie. Mais cette pluie est-elle salvatrice ou porteuse d’orages ? Elle révèle en tout cas les tensions enfouies du couple.

Mon ami n’aime pas la pluie, un conte tout en poésie

Avec Mon ami n’aime pas la pluie, c’est un texte splendide d’émotions et de tendresse que le public découvre. Pour celles et ceux qui ne connaissent pas l’auteur réunionnais Paul Francesconi, c’est une rencontre bouleversante avec un texte qui porte haut un Verbe tout en puissance et en nuances. Trois personnages pour une trame simple. Comme dans les contes, Mon ami n’aime pas la pluie joue avec l’imaginaire et le symbolisme, avec une poésie extraordinaire. Le spectacle ouvre les portes de l’horizon, fait entrer un peu d’Afrique sur le plateau.

Le trio formé par Yaya Mbile Bitang, Fargass Assandé et Michel Bohiri excelle à donner vie à cette histoire toute en finesse où la rencontre avec l’Autre devient l’occasion de se dire, de se redécouvrir. Nos trois comédiens rendent attachants les personnages qui évoluent sous nos yeux et touchant le drame qui se joue. La mise en scène suit les mêmes lignes directrices, jouant de poésie et de tension dramatique, d’humour et de gravité. Toute l’eau qui envahit le plateau est aussi surprenante que bienvenue.

Une réflexion sur la figure de l’étranger

Mon ami n’aime pas la pluie aborde avec pertinence la question du rapport à l’étranger. Face à lui, on a peur, peur qu’il ne vole, peur qu’il ne s’accapare nos biens, peur de ce que pourrait produire sa présence. La pièce le met d’autant plus en avant que notre étranger semble étrange : sa présence fait pleuvoir dans la maison. Comment ne pas penser que cet être est malfaisant ?

Mon ami n’aime pas la pluie résonne et raisonne ainsi avec l’actualité : la pièce montre que les préjugés ne reposent que sur l’ignorance et la crainte. Que face à cette crainte irraisonnée les habitudes peuvent être rassurantes, mais qu’elles se bâtissent sur un seuil d’égoïsme. C’est ce qu’incarne le personnage de Dom, qui reste campé sur une position d’affrontement avec l’étranger.

Le manque de générosité, la posture dominatrice, la crainte de se voir envahi, dépossédé, autant de traits qui nous renvoient à la triste question de l’accueil que l’on fait aux migrants. Vouloir avaler l’autre, l’annihiler, ne peut aboutir qu’à l’autodestruction, et c’est la métaphore du cannibalisme qui vient nous le rappeler dans la pièce.

Des tensions exacerbées

La découverte de l’autre est aussi voyage en soi, et Mon ami n’aime pas la pluie en est une belle évocation. Car l’étranger et la pluie qu’il provoque viennent chambouler l’équilibre fragile d’un couple à la dérive. L’autre devient ainsi l’exutoire des tensions inhérentes au couple. L’étranger devient l’oreille, le confident d’une tristesse de femme, le témoin de la lassitude extrême, de la mélancolie suprême du personnage de Nel. Le lien intime qui s’instaure entre les deux êtres est d’une tendresse émouvante.

Mais cette intimité ne peut être qu’un facteur de doute supplémentaire pour Dom, qui voit en l’autre un rival et qui laisse éclater une litanie de reproches envers celle pour qui il dit avoir tout fait. Car la tristesse de Nel l’attire vers un désir immense de pluie. Pluie que l’étranger prodigue. Pluie que Dom dit avoir poursuivie pour elle, pour faire revenir le soleil dans ses yeux. La pluie et l’étranger divisent profondément les deux individus.

Aussi l’irruption de l’étranger ne peut être vue qu’avec soupçon. Mon ami n’aime pas la pluie est une belle exploration des rapports de force entre époux, des écueils de l’inattention progressive qu’on porte à l’autre — inattention qui transforme le foyer conjugal en terrain miné. Ne faut-il pas alors craindre de perdre l’autre pour le retrouver ?

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En savoir plus :

  • Mon ami n’aime pas la pluie a été présenté dans le cadre de Théâtre en mai 2018 au Théâtre Dijon Bourgogne (France) les 26, 27 et 28 mai
  • Le spectacle sera joué les 6, 7, 8 juin au Le Tarmac (Paris, France)
  • Durée du spectacle : 1h15
Morgane P.

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