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La Bible, vaste entreprise de colonisation d'une planète habitable par Groupe LA gALERIE photo
© Céline Champinot

♥ [Critique] “La Bible, vaste entreprise de colonisation d’une planète habitable” de Céline Champinot

Dernière mise à jour : février 12th, 2020 at 11:42 pm

Relire la Bible à la lumière de notre monde contemporain et de la science-fiction, c’est l’immense défi de La Bible, vaste entreprise de colonisation d’une planète habitable écrit et mis en scène par Céline Champinot et présenté dans le cadre de Théâtre en mai 2018. L’avis et critique théâtre de Bulles de Culture sur cette pièce de théâtre coup de cœur.

Synopsis :

Cinq scouts adolescents (Maëva Husband, Elise Marie, Sabine Moindrot, Claire Rappin, Adrienne Winling) s’adressent à Dieu sur un ton de reproche et polémiquent avec lui sur le bienfondé de sa création. Ils rejouent ensemble les scènes phares de la Bible, mais en font une relecture qui puise à la fois dans la science-fiction et dans les dérives écologiques et économiques de notre monde contemporain.

La Bible, vaste entreprise de colonisation
d’une planète habitable
 : un spectacle à l’énergie renversante

Vous voilà embarqué-e dans une relecture de l’Ancien Testament, enfin de bon nombre de passages de l’Ancien Testament, et cette relecture est aussi osée qu’impressionnante. Pour lui donner vie, cinq comédiennes (Maëva Husband, Elise Marie, Sabine Moindrot, Claire Rappin et Adrienne Winling) interprètent cinq scouts, puis ils jouent ces cinq scouts en train de rejouer la Bible. La mise en abyme est hypnotique. Et ce qui frappe vos oreilles dès les premiers instants, c’est le volume sonore : nos cinq comédiennes crient presque, jouent sur les aigus, et cela sera le cas d’un bout à l’autre du spectacle. Si vous doutiez de la dimension parodique de la pièce, vous êtes fixé-es en quelques instants ! Disons en outre que La Bible, vaste entreprise de colonisation d’une planète habitable est un texte d’une densité rare, mais comme joué en accéléré. Par conséquent, aucun temps de pause. Tout s’enchaîne avec un rythme effréné et effarant. La pièce entière est une course poussive, excessive et jouissive vers l’avant – et quel futur ! Cela vous scotchera sur votre siège durant toute la représentation.

De ce fait, vous ne pouvez que saluer, admirer, rester bouche bée devant une telle performance sur scène. Tenir un tel rythme, c’est déjà fort. Mais alors tenir un tel rythme tout en assumant régulièrement des passages chantés sans la moindre fausse note, des acrobaties diverses et variées, des listes infinies toutes plus saugrenues et in(dé)finissables les unes que les autres… Chapeau bas et très bas aux brillantes Maëva Husband, Elise Marie, Sabine Moindrot, Claire Rappin, et Adrienne Winling !

Parodie ironique et critiques véritables

Aucun doute là-dessus, vous riez, vous riez vraiment d’un bout à l’autre de La Bible, vaste entreprise de colonisation d’une planète habitable. Comique de répétition, de situation, parodie, ironie, chansons au second degré, références incessantes à l’actualité, au texte biblique, et talent évident des comédiennes, tout y est pour que ça fonctionne. Chaque épisode vous fait dire que vous n’en revenez pas, que ce n’est pas possible. Si le génie de Céline Champinot vous était inconnu, il est clair que vous n’êtes pas près de l’oublier !

La relecture critique que le spectacle fait de la Bible n’est toutefois pas sans fondement véritable. Elle questionne la place que le texte religieux laisse à l’humain sur terre : la première et presque unique place. Elle met en doute cette suprématie absolue à l’aune du désastre écologique auquel nous assistons. Cette urgence que le texte biblique assène à procréer, se multiplier, coloniser n’est-elle pas le début de la fin ?

Céline Champinot imagine ainsi les personnages bibliques errant dans un monde apocalyptique où, puisque le monde a été détruit, les hommes partent à la conquête d’autres planètes habitables qu’ils pourront coloniser. Elle double cette dimension apocalyptique d’un univers futuriste où les animaux sont de synthèse, où l’on produit des humanoïdes, des génoïdes et où l’impératif de procréation a largement dégénéré. Dieu n’a qu’à bien se tenir !

Réalités irréelles

Outre le fait que le monde qui se déroule sous vos yeux est dense et que tout va très vite, ce qui achève de semer le trouble dans votre esprit, c’est le choix que fait Céline Champinot de faire référence à des pays, des villes réels. Aussi Shanghai est-elle la nouvelle Babel, tout comme Djibouti devient la planète dans laquelle les humains se réfugient.

La résonance actuelle que prend ainsi cette relecture biblique dans La Bible, vaste entreprise de colonisation d’une planète habitable vous interroge et vous taraude : la référence est-elle gratuite ? L’autrice explique qu’elle ne l’est pas, que cette colonisation de Djibouti entre en écho avec la situation de ce petit pays disputé par les grandes puissances et devenu une importante base chinoise.

De même, le Pharaon de Djibouti, qui rappelle bien sûr celui de l’Exode, dialogue avec Richard Cœur de Lion, colonisateur en puissance, et Sarah, reine de Saba, riche souveraine venant impressionner les hommes présents. Quand tout cela se mêle à la trame fantaisiste de la science-fiction, vous n’avez plus qu’à vous accrocher. C’est dire donc si les références n’en finissent pas d’affluer. Si certaines sont évidentes – Dolly la brebis transgénique par exemple –, d’autres sûrement plus subtiles vous échappent dès que votre attention se relâche, et c’est obligatoirement le cas dans un spectacle si touffu, à la fois foisonnant et concis.

La Bible, vaste entreprise de colonisation d’une planète habitable est de ces spectacles que l’on verrait volontiers une seconde fois afin de pouvoir profiter des détails échappés et de cet univers délirant et déluré qui fascine par sa richesse. C’est un spectacle coup de cœur de Bulles de Culture.

En savoir plus :

  • La Bible, vaste entreprise de colonisation d’une planète habitable a été présenté dans le cadre de Théâtre en mai 2018 au Théâtre Dijon Bourgogne les 26, 27 et 28 mai 2018
  • Le spectacle sera joué au TU-Nantes du 9 au 12 octobre 2018 ; à l’Hexagone de Meylan les 13 et 14 novembre 2018 ; au Théâtre de la Bastille à Paris du 20 novembre au 8 décembre 2018 ; à La Comédie de Saint-Étienne les 11 et 12 décembre 2018 ; les mercredi 27 eet jeudi 28 mars 2019 à La Filature, Scène nationale – Mulhouse
  • Durée du spectacle : 1h45
Morgane P.

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