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Ce que je reproche le plus résolument à l'architecture française, c'est son manque de tendresse par Cie Légendes Urbaines photo
© Matthieu Edet

[Critique] “Ce que je reproche le plus résolument à l’architecture française, c’est son manque de tendresse” de la Cie Légendes Urbaines

Dernière mise à jour : avril 11th, 2019 at 05:15 pm

Avec Ce que je reproche le plus résolument à l’architecture française, c’est son manque de tendresse, la Cie Légendes Urbaines a plongé le festival Théâtre en mai 2018 dans une réflexion sur les grands ensembles audacieuse et fascinante. L’avis et la critique théâtre de Bulles de Culture.

Synopsis :

Ce sont trois jeunes chercheurs (Paule Schwoerer, Sylvain Fontimpe, David Farjon) qui s’immergent dans la logique des grands ensembles, de leurs utopies architecturales jusqu’à leurs écueils, leurs stigmatisations, leurs échecs. Les chemins de pensée que le trio dynamique nous invite à parcourir sont captivants et merveilleusement explorés.

Ce que je reproche le plus résolument à l’architecture française, c’est son manque de tendresse : un dédale de bonnes idées

C’est sur le mode de la discussion que le spectacle s’amorce. Tout au long de Ce que je reproche le plus résolument à l’architecture française, c’est son manque de tendresse, Paule Schoerer, Sylvain Fontimpe et David Farjon n’ont de cesse de nous plonger au cœur d’une réflexion en train de se faire. Si une telle entreprise est parfois périlleuse, le trio la met en œuvre avec un talent indéniable.

Trois personnages, trois points de vue : l’un est fasciné par les idéaux des architectes engagés pour imaginer les grands ensembles ; le deuxième s’intéresse au triste devenir de ces quartiers dits « sensibles » ; la dernière s’attache à entendre et à relever des témoignages d’habitants. Les aléas incessants entre les trois pôles sont d’une réussite épatante, et le texte – une écriture collective dirigée par David Farjon – est saisissant d’efficacité, d’humour, d’émotion.

Pour donner vie à toutes les idées qui germent sur le plateau, un dispositif scénique aussi impressionnant que pertinent : ce sont des cubes aux armatures métalliques agençables à l’infini, au gré des constructions évoquées. Mais leur agencement est justement savant et de ces cubes peut jaillir la lumière ou le son.

Une immersion urbaine

Confronter les utopies des architectes et la violence qui s’est développée dans les quartiers nés des grands ensembles, c’est devoir faire le constat d’un échec. Mais Ce que je reproche le plus résolument à l’architecture française, c’est son manque de tendresse n’a rien d’un spectacle en lamentation. Le spectacle met ainsi merveilleusement en avant, à la lumière de très beaux témoignages, que la vie a été agréable dans les premiers temps des grands ensembles, à l’époque où leur population était mixte. Les témoignages récents sont aussi de la partie. Et ils sont nettement plus nuancés que ce que l’on pourrait s’attendre à entendre.

Une petite plongée dans l’historique des constructions de ces grands ensembles permet aussi de montrer que les écueils sont aussi nés de la volonté de construire vite et à moindre coût, ce qui n’était pas forcément compatible avec les projets audacieux livrés par des architectes idéalistes. Pour qui ignore tout des grands ensemble, c’est une vraie découverte et un puits de connaissances qui s’ouvre brusquement.

Un beau relai contre les préjugés

Avec un humour bienvenu, Paule Schoerer, Sylvain Fontimpe et David Farjon font apparaître devant nous l’architecte Émile Aillaud (1902-1988), sa cité de la Grande Borne à Grigny, puis ses habitants. C’est comme si les bâtiments en forme de vagues surgissaient devant nos yeux, avec les statues fantasques nées de l’imagination de l’architecte : les gros pigeons, un personnage ensablé. Et puis toutes les références grecques pour nommer rues et places : l’agora, le minotaure.

Dans Ce que je reproche le plus résolument à l’architecture française, c’est son manque de tendresse, le trio désactive brillamment les principaux leviers de stigmatisation, démonte soigneusement la mise en épingle des faits divers que les médias survalorisent. Et le spectacle s’achève avec l’irruption sur le plateau d’une classe de collège de Fontaine D’Ouche, autre grand ensemble du côté de Dijon. Les collégiens à leur tour reconstituent l’organisation de leur quartier et lui donnent vie avec sincérité.

C’est une sacrée réussite que Ce que je reproche le plus résolument à l’architecture française, c’est son manque de tendresseLa Cie Légendes Urbaines se saisit d’une démarche intellectuelle comme matériau de cette pièce toute en finesse et en lumineuse intelligence.

En savoir plus :

  • Ce que je reproche le plus résolument à l’architecture française, c’est son manque de tendresse a été joué dans le cadre de Théâtre en mai 2018 au Théâtre Dijon Bourgogne les 27, 28 et 29 mai 2018
  • Ce que je reproche le plus résolument à l’architecture française, c’est son manque de tendresse sera joué lors d’In-Situ – Biennale d’architecture et d’urbanisme de Caen le 18 octobre 2018 à 20h
  • Site officiel de la Cie Légendes Urbaines
  • Durée du spectacle : 1h30
Morgane P.

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