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Jafar Panahi et Behnaz Jafari dans le film Trois visages critique cannes 2018
© Memento Distribution

[Critique] “Trois visages” (2018) : Cinéma introspectif tourné vers son pays natal

Dernière mise à jour : août 25th, 2019 at 02:52 pm

Trois visages (Se rokh),film du réalisateur Jafar Panahi avec Jafar Panahi, Behnaz Jafari et Maedeh Erteghaei, a été présenté en compétition officielle au Festival de Cannes 2018. L’avis et la critique film de Bulles de Culture. 

Synopsis :

Une célèbre actrice iranienne (Behnaz Jafari) reçoit la troublante vidéo d’une jeune fille implorant son aide pour échapper à sa famille conservatrice. Elle demande alors à son ami, le réalisateur Jafar Panahi, de l’aider à comprendre s’il s’agit d’une manipulation. Ensemble, ils prennent la route en direction du village de la jeune fille, dans les montagnes reculées du Nord-Ouest où les traditions ancestrales continuent de dicter la vie locale.

Trois visages, Jafar Panahi en compétition officielle au Festival de Cannes 2018

Quelques jours après la présentation en ouverture du Festival de Cannes 2018 d’Everybody Knows (Asghar Farhadi), l’Iran est une nouvelle fois représenté en compétition officielle avec Trois visages de Jafar Panahi. Deux films de même nationalité, et pourtant deux manières de tourner. Alors que le Farhadi s’ouvre vers un cinéma mondial plus grand public, Jafar Panahi continue de proposer un cinéma introspectif tourné vers son pays natal. Le contexte est également différent puisque le réalisateur est toujours assigné à résidence par les autorités iraniennes. Cependant, la communauté cinéphile ne l’oublie pas. En effet, celle-ci l’a déjà largement couronné dans les festivals majeurs, Lion d’or à la Mostra de Venise pour Le Cercle (2000), Ours d’or à Berlinale pour Taxi Téhéran (2015). Le Festival de Cannes ne l’a pas non plus ignoré en lui décernant notamment la Caméra d’or pour Le Ballon Blanc (1995) et le Prix Un Certain Regard pour Sang et or (2003). Jafar Panahi est même un juré honorifique du Festival de Cannes en 2010, laissant sa chaise vide du fait de son emprisonnement.

C’est donc avec une certaine logique que Trois visages a une bonne place en compétition officielle. Malheureusement, le film n’est pas le plus marquant de sa filmographie. La première scène, tournée en long plan-séquence avec un téléphone portable, est aguichante. On y voit une jeune artiste filmant son suicide en s’adressant à l’actrice Behnaz Jafari. L’acte désespéré semble motivé à la fois par les conditions castratrices de sa culture familiale, mais également par son incapacité à s’exprimer librement à travers son art. Jafar Panahi pose une nouvelle fois les bases d’un pamphlet qui s’avère éminemment critique contre le gouvernement iranien. Ce gouvernement est castrateur et prive de liberté d’expressions. Néanmoins, le cinéaste insuffle peu à peu le doute dans l’esprit de son personnage principal, et de fait dans celui du spectateur. Le suicide est-il réel où est-ce un coup monté pour attirer l’attention ? Le film prend alors des allures d’enquêtes où les indices sont distillés avec parcimonie vers la réponse finale.

Un film de vie assez bavard

Comme pour ses films précédents, Jafar Panahi est à la lisière d’un style documentaire. Le cinéaste filme des scènes du quotidien, s’infiltrant dans l’intimité locale. Le réalisateur rythme ces instants de vie banals avec toujours beaucoup d’humour. On retiendra particulièrement le moment où un villageois donne à l’actrice Behnaz Jafari un morceau du pénis circoncis de son fils pour qu’il le remette à Jafar Panahi. Il espère ainsi que cette transmission rende riche et viril sa progéniture. Il est cependant dommage que Trois visages se cantonne encore une fois à rester dans le véhicule du réalisateur, à la façon de Taxi Téhéran. Par ce décor relativement figé, le film devient trop bavard, d’où une perte d’intensité.

En savoir plus :

  • Date de sortie France : 06/06/2018
  • Distribution France : Memento Film Distribution
Antoine Corte

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