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Here and Now saison 1 Alan Ball affiche

[Critique] “Here and Now” saison 1 : Cultiver le temps présent

Dernière mise à jour : mai 2nd, 2020 at 10:19 pm

Alan Ball, le créateur de Six Feet Under et True Blood, revient sur HBO avec sa nouvelle série Here and Now, diffusée depuis le lundi 12 février 2018 à 20h50 sur OCS City. L’avis de Bulles de Culture sur les premiers épisodes de Here and Now saison 1.

Synopsis :

Une famille multiraciale – un professeur de philosophie (Tim Robbins), sa femme (Holly Hunter), leurs enfants adoptifs (Jerrika Hinton, Raymond Lee et Daniel Zovatto) et leur fille biologique (Sosie Bacon) – est bouleversée lorsqu’un des enfants, Ramon, commence à voir des choses que personne ne voit.

Après la parenthèse fantastique True Blood, Alan Ball renoue avec le drame familial dont il s’était épris depuis American Beauty (1999) et Six Feet Under (2001-2005). Fasciné par le thème de la filiation et des traces que nous laissons sur notre passage, le scénariste oscarisé a laissé bien des héritiers succéder à la famille Fisher. Parenthood, This Is Us ou encore Transparent ont su se démarquer récemment dans un genre toujours présent à la télévision, mais qui souffre souvent de certains poncifs et d’un manque de prises de risques. Après avoir marqué l’âge d’or des séries, qu’est-ce qu’Alan Ball peut donc encore exhumer sur les relations humaines ?

Here and Now saison 1 : Malaise dans la civilisation

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© 2017 Home Box Office, Inc. All rights reserved. HBO ® and all related programs are the property of Home Box Office, Inc.

Du propre aveu de son auteur Alan Ball, Here and Now n’aurait jamais pu être sans Six Feet Under. Depuis la fin de Six Feet Under il y a 13 ans, les temps ont peut-être changé mais la famille dysfonctionnelle subsiste. Là encore, il s’agit d’en faire un catalyseur des obsessions et névroses de son créateur. Cette fois, lui et ses personnages sont aux prises avec l’Amérique de Donald Trump, après avoir attaqué George W. Bush à maintes reprises la décennie passée. On y médite bien entendu sur les affres de l’âge, l’amour et la quête d’identité (sexuelle).

Mais ici, le malaise dans la civilisation tient surtout sur son rapport au progressisme. Here and Now saison 1 saisit le rêve multiculturel façon pub pour « United Colors of Benetton ». Un exercice encore un peu vaniteux et consensuel, mais qui a le mérite de poser ouvertement ses débats, notamment à travers cours de philosophie et assemblées lycéennes : l’appartenance ethnique, les préjugés raciaux, l’avortement, la transidentité (vécue dans une famille musulmane)… Dans cette Amérique-là où l’on fait un pas en avant pour deux en arrière, comment peut-on encore être progressiste ? Comment se reconnaitre dans l’identité nationale (y en a-t-il réellement une ?) malgré le sentiment de honte ?

Une famille formidable

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Patriarche en crise dans Here and Now saison 1, Greg Boatwright (Tim Robbins, très bon) pourrait bien être l’alter-ego d’Alan Ball qui a désormais plus en commun avec ce personnage (ou Nathaniel Fisher Sr.) que Nate Fisher et sa crise de la quarantaine dans la série télévisée Six Feet Under. La différence de taille est qu’il ne s’agit plus de recomposer une famille autour du deuil du père, mais de maintenir un fragile équilibre en dépit de ses enfants distants et de son mariage délicat avec Audrey (Holly Hunter).

Kristen (Sosie Bacon) se définit comme « l’ennuyeuse fille blanche de la famille » ; Ashley, originaire du Liberia (Jerrika Hinton) tente de naviguer entre ses envies d’ailleurs et son mariage trop parfait avec un blanc républicain (jusqu’à Trump) ; Duc, originaire du Vietnam (Raymond Lee) est « architecte en bien-être » et se retrouve lui aussi rattrapé par ses origines ; Enfin Ramon, originaire de Colombie (Daniel Zovatto), l’esprit libre qui semble victime d’hallucinations, est envoyé en thérapie auprès du Dr. Shokrani (l’excellent Peter Macdissi, compagnon à la ville d’Alan Ball).

Here and Now, odes mystiques

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Ramon voit donc apparaitre le signe 11 : 11 de manière un peu trop récurrente, en plus de ses rêves étranges. Il y a vu son psychiatre, alors enfant, et la mère de celui-ci avant même de le rencontrer. En plus de la relation assez captivante entre Ramon et le Dr. Shokrani, cette trame surnaturelle donne un peu plus de profondeur et d’intérêt à Here and Now saison 1. Une signification cosmique ? Peut-être. Une illustration sur la définition ambivalente de la folie ? Sans doute. Sans révéler les aboutissants de ces expériences mystiques, la série télé Here And Now respire mieux face au sérieux de son sujet-  malgré l’humour noir cher à Alan Ball.

Ce mysticisme est aussi l’occasion de se différencier de This Is Us ou Transparent — dont la créatrice Jill Soloway a participé à l’écriture de Six Feet Under. Sans se soucier du temps qui lui est imparti, la saison 1 d’Here And Now est très verbeuse, didactique, à grands renforts de théories sur l’esprit poreux. Sans craindre de se mettre à nu (fidèle à HBO, le sexe y est bien présent), elle prend toutefois son temps quitte à ne pas accrocher ses spectateurs d’emblée. Il faudra donc faire preuve de résistance et de persévérance. On se sentira peut-être moins vite intégré à la famille Boatwright de Here And Now qu’à la famille Fisher de Six Feet Under.

Une direction mystérieuse

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Au cœur d’une Amérique plus divisée que jamais, Alan Ball tient à souligner que les gens sont de moins en moins à l’écoute les uns des autres. Pourtant, dans le message que recèlerait Here and Now saison 1, il y aurait, malgré des origines et expériences différentes du monde, quelque chose qui pourrait nous connecter. Quelque chose d’autre que le matérialisme, un sentiment plus mystique justement. Après les premiers épisodes, difficile d’estimer la direction que prendra la suite de la saison. Étant donné le talent d’Alan Ball, on restera donc encore à l’écoute quelques épisodes de plus.

En savoir plus :

  • Here and Now saison 1 est diffusé sur OCS City depuis le lundi 12 février 2018 à 20h50 en US+24 et est disponible en replay sur OCS Go
  • La saison 1 de Here and Now contiendra  10 épisodes de 55 minutes
  • Une saison 2 de Here and Now est déjà en préparation et prendrait une tournure très différente selon Alan Ball
Paul Vogel

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