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La Voix Humaine Charles Gonzalès affiche

[CRITIQUE] “La voix humaine” par Charles Gonzalès : Une ode à Jean Cocteau

Dernière mise à jour : juillet 11th, 2019 at 03:09 pm

La voix humaine retrouve les planches au Théâtre de la Contrescarpe dans une mise en scène de Charles Gonzalès. L’avis de Bulles de Culture sur cette pièce sublime mais périlleuse.

Synopsis :

Une femme (Yannick Rocher), seule, dans un chambre, téléphone à son amant. Un amour qu’elle sait déjà perdu, un homme qui n’est plus là, auquel elle ment pour cacher ses effroyables tourments. Il ne lui reste plus que cet ultime moment : un appel, entrecoupé par des problèmes sur la ligne, distinguant mal les bruits qui entourent celui qui est déjà parti. Un appel et puis, la fin.

La voix humaine : Plongée dans l’univers de Jean Cocteau

C’est un plaisir, un plaisir que l’on craint un peu mais on veut ardemment assister à une représentation de La voix humaine de Jean Cocteau. Cette pièce, écrite en 1927 et créée à La Comédie-Française par Berthe Bovy en 1930, est loin d’être une habituée des théâtres de Paris et de province. La Voix humaine est peut-être même plus connue à travers l’opéra éponyme de Francis Poulenc ou le film de Robert Rossellini qui rend vivante sur l’écran de cinéma cette femme déjà morte. En effet, pour l’exercice théâtral, La voix humaine se révèle être un texte ardu, risqué. Un très long monologue féminin, massif et revêche, pesant et effroyablement triste, qui a tôt fait de traumatiser et une comédienne et un spectateur. Un texte qui demande une très grande maîtrise puisqu’il s’agit de jouer une véritable conversation téléphonique, feindre l’attente de la réponse de l’autre côté du téléphone, laisser le silence nécessaire à cet autre fictif pour répondre et ne pas perdre en même temps, sur ce chemin sinueux, le spectateur.

Pour autant, La voix humaine doit se voir comme un texte qui touche au sublime. Il possède une force immense, un potentiel colossal de stupéfaction du spectateur et dévoile tout le talent impossible à quantifier de Jean Cocteau. Charles Gonzalès se saisit de ce texte ambivalent et son interprétation en est intelligente. D’une part, la comédienne est le centre même de la pièce. Le décor : un grand tabouret sur lequel va s’asseoir Yannick Rocher des écouteurs en guise de téléphone et une atmosphère sombre, noire, perturbée seulement par les éclairages parfois crus qui inondent le visage de l’actrice. Mais Charles Gonzalès utilise aussi la musique, le son, la vidéo pour nourrir cette ode au silence qu’est La voix humaine, et permet également à travers ce choix de mise en scène un bel hommage à Cocteau lui-même et à Berthe Bovy.

La voix humaine et le silence

Une belle révérence doit être faite devant la performance de la comédienne Yannick Rocher sur scène. L’exercice du monologue s’avère toujours on ne peut plus délicat et la comédienne traverse les embûches avec brio. Sa façon d’occuper, sans finalement ni tellement bouger ni tellement se déplacer, l’espace scénique, capte le spectateur, le retient et il souffre avec cette femme au bord du gouffre.

Yannick Rocher joue avec talent cette femme si singulière, qui accompagne son élan amoureux d’un mouvement sacrificiel, protégeant, épargnant jusqu’à la toute fin sa douleur à cet homme qui pourtant n’est plus là ; une sorte d’héroïne presque un peu malsaine, étrange, ambigüe. Ce qui ne n’étonne guère puisque l’auteur de la pièce est Jean Cocteau. Cette femme est terriblement humaine, traversant un des chagrins les plus douloureux d’une existence, réduite à savourer tristement le dernier coup de fil d’un amant mais elle est aussi parfaitement énigmatique. La symbiose Yannick Rocher/Jean Cocteau fonctionne donc très bien.

A voir !

En savoir plus :

Agathe M.

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