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Gabriel Yared Philharmonie Rencontre autour d'un piano
© Bulles de Culture

Week-end des Musiques à l’image 2017 : Hommages à Gabriel Yared et Steven Spielberg

Dernière mise à jour : avril 24th, 2021 at 01:35 pm

Dans le cadre du Week-end des Musiques à l’image 2017 organisé par Audi Talents et la Philharmonie de Paris, Bulles de Culture a suivi les rencontres fortes de cette édition. Rencontre avec Gabriel Yared, conférences, hommage à Steven Spielberg… Retrouvez la retranscription des moments forts de ce week-end. 

Rencontre avec Gabriel Yared

Dans le cadre d’une rencontre animée par Stéphane Lerouge, le compositeur de musique Gabriel Yared, est revenu sur son parcours. Non loin de là, il y avait son piano pour nous illustrer en musique certains moments de sa carrière. Retranscription des moments forts de cette rencontre à travers les mots de Gabriel Yared.

Les débuts au cinéma : Godard, Beineix, Mocky

Gabriel Yared Philharmonie Rencontre autour d'un piano
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Gabriel Yared : La rencontre avec Jean-Luc Godard se fait par l’intermédiaire de Jacques Dutronc. J’ai travaillé avec le réalisateur alors qu’il revenait à un cinéma plus narratif. Il était extrêmement mélomane. Le cinéaste utilisait en plus les mots justes pour expliquer ce qu’il voulait pour son film, Sauve qui peut (la vie). Puis, après cette première expérience dans le milieu du cinéma, j’ai continué avec Malevil de Christian de Chalonge. En plus de la composition de musique, j’ai également travaillé l’échantillonnage. J’ai moi-même par exemple travaillé sur les gouttes d’eau à l’image. Après ce travail sur son film, j’ai été déçu car il a très peu gardé ce que j’avais fait. C’est là que je me suis dit que le cinéma ne pouvait pas être que la musique de Gabriel Yared.
Jean-Jacques Beineix est arrivé avec La lune dans le caniveau. Le jeune cinéaste provocateur avait une certaine compréhension de toutes les musiques. Il m’a demandé d’écrire de la musique pour son tournage, pour les comédiens qui allaient jouer. J’en ai profité pour écrire les musiques du film. Je me souviens particulièrement d’avoir beaucoup insisté sur l’échantillonnage avec un son qui venait du port de Marseille. Le thème principal du film a été fini avant la fin du tournage. On m’a alors reproché d’être un peu trop romantique dans ma composition. Ce que je peux dire de Jean-Jacques Beineix, c’est qu’il a vraiment offert à la musique de l’espace. Je réalise la chance que j’ai eu de pouvoir avoir ce temps pour composer. J’ai pu avec lui exprimer quelque chose.
Quand je lis un scénario, je vois des couleurs, une lumière. Dans ma musique de film, je travaille donc ces couleurs. Je n’ai pas de méthode pour écrire. En effet, quand je parle avec un réalisateur, je n’écris pas un thème. J’écris au contraire 3-4 thèmes, puis je les ré-harmonise. Comme ça, si le film prend une autre direction que celui présenté au départ, je sais que quelque chose de ma musique restera.
Avec le réalisateur Jean-Pierre Mocky, j’ai travaillé dans son urgence, avec une rapidité qu’on lui connait. Je m’amusais tellement avec lui. Il est la preuve qu’on peut faire de la bonne musique vite et bien.

La consécration avec L’Amant et Le Patient Anglais

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Gabriel Yared : Puis, le film L’Amant de Jean-Jacques Annaud (César de la meilleure musique) est évidemment un tournant dans ma carrière. Il y a eu cette volonté de faire quelque chose de simple, à l’image du thème principal. Le réalisateur m’avait demandé de composer de la musique dans le style des années 20. A cette occasion, je signale que je suis tout sauf quelqu’un qui analyse. J’essaye de travailler la musique sans regarder la scène à l’écran. C’est pour cela que je me sens libre. S’agissant ensuite d’Anthony Minghella (Le Patient Anglais, Le Talentueux Mr Ripley), il avait cette passion pour Jean-Sébastien Bach. Il adorait également Stevie Wonder ou les Beatles. On avait tous les deux les mêmes goûts pour LA musique. C’était un vrai frère d’armes sur le plan musical. Avec lui, les collaborations successives balayaient les précédentes. Elles ont été inventives. J’avais de l’amour pour ce qu’il faisait. On passait énormément de temps ensemble à écrire.

A l’occasion du film Le Talentueux Mr Ripley, j’avais livré une première proposition. Alors que j’étais libéré de mes engagements vis-à-vis de ce film, je me suis penché à nouveau dessus. Il manquait dans ma proposition quelque chose. Je voulais une certaine impulsion que je ne retrouvais pas. J’ai donc proposé d’apporter des modifications afin de faire une combinaison entre danger, étrangeté et séduction. Pour ce film, j’ai confectionné des boites à musique avec divers instruments.
Puis l’aventure Le Patient Anglais (Oscar de la meilleure musique) arrive. Suite à mon prix, mon agent américain voulait que je m’installe à Los Angeles. Je n’ai jamais eu envie. Je ne m’y sentais pas bien. Je voulais habiter dans un endroit plus intime, loin de cette ferveur médiatique. Pendant cinq ans après l’Oscar, on ne m’a proposé de travailler que sur des thèmes dans la même veine que Le Patient Anglais. J’étais catalogué. Or, j’avais envie de changer de registre. Pour moi, le renouveau, c’est ce que j’attends du cinéma.
Avec Étienne Chatiliez, on a alors été vers un autre univers : celui de l’opérette avec Tatie Danielle. Sur un air que j’avais réfléchi, on a demandé à Catherine Ringer d’en écrire les paroles. Ça a donné La complainte de la vieille salope. Toute la musique sur Tatie Danielle consiste en une déclinaison sur des bases simples avec fausses basses et des bruits.

Les multiples collaborations avec Xavier Dolan

Gabriel Yared : Je travaille pour la première fois avec Xavier Dolan sur Tom à la ferme. Mais je ne le rencontre pas à cette occasion. Il était réticent à travailler pour la première fois sur une musique originale.Il utilisait jusque là des musiques pré-existantes sur ses précédents films. D’ailleurs, pour Tom à la ferme, il avait tourné en posant également des musiques pré-existantes. Je n’ai pas suivi le thèmes qu’il me suggérait de faire. J’ai voulu aller sur autre chose. L’appréhension de Xavier Dolan venait surtout du fait qu’il a le souci de faire le maximum sur ses films. Cela lui faisait peur de laisser un autre composer une musique pour son œuvre.

Gabriel Yared : Je le vois la première fois au Festival de Cannes. Il était là pour Mommy. On a alors décidé de travailler une nouvelle fois ensemble sur Juste La Fin du Monde. Il voulait de la musique répétitif sur ce film. Il m’avait parlé de celle de The Hours (Philip Glass). C’est drôle car Angelina Jolie, précédemment, avec qui j’ai travaillé pour Au pays du sang et du miel, m’a également parlé de cette musique. Comme quoi, les réalisateurs écoutent globalement les mêmes airs de cinéma. Moi, je voulais de la nouveauté. Cela n’apportait rien de refaire du Philip Glass. Du coup, avec Xavier Dolan, on s’est mis ensemble dans une villa. Lui, dans la pièce à côté, montait son film. Moi, je composais.
Pour The death and life of John F. Donovan, son prochain film pour 2018, Xavier Dolan voulait de la musique dès le tournage. Je lui ai fais des propositions. J’ai tout livré. C’est à lui de faire ses choix désormais. J’ai passé un an et demi sur ce film. C’est beaucoup trop long. Je préfère garder la mesure. Je retravaillerai avec Xavier Dolan mais pas dans les mêmes conditions.

Antoine Corte

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