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Critique / “Looking for Janis” (2016) de Lucie Baratte

Dernière mise à jour : août 27th, 2020 at 08:44 am

Lucie Baratte, graphiste-typographe de profession, est une fan inconditionnelle de Janis Joplin depuis l’âge de ses 14 ans. À l’aube de ses trente ans, à la faveur d’une crise existentielle, elle décide de faire la route du Texas en Californie pour mettre ses pas dans ceux de Janis et sentir la présence de la chanteuse, là où elle naquit, vécut et mourut. Looking for Janis est le récit de ce voyage, illustré d’une riche iconographie. La critique et l’avis livre de Bulles de Culture.

Synopsis :

Looking for Janis se présente comme un magnifique carnet de voyage qui retrace toutes les étapes du voyage de Lucie Baratte aux États-Unis sur les traces de Janis Joplin. Au récit du périple lui-même viennent s’ajouter de nombreuses photographies de la route, de Janis, des croquis de l’auteur et des extraits d’interviews de la chanteuse. Journal d’une fan qui accomplit un rêve impossible, celui de rencontrer la star, décédée prématurément à l’âge de 27 ans. En un sens, Janis n’est pas morte : le souvenir de sa présence continue d’imprégner certains lieux ou de vivre dans le cœur de ceux qu’elle a connus…

Looking for Janis : born to be wild

Lucie Baratte éprouve pour Janis Joplin une fascination que pas mal d’adolescents ont éprouvée, qui pousse à tout écouter et tout connaître de son idole. Bien difficile de dire à quoi ça tient exactement. La révélation pour Lucie vient d’une photo de Janis aperçue dans un magazine pour collégiens : “Comme une extase divine, un sourire, un cri, une puissance, le vent dans ses cheveux, son corps tendu vers le ciel et sa main, pleine de grosses bagues, qui empoigne le micro” — on pense à la pochette de Farewell Song ou de l’album simplement intitulé Janis.

Oui, on comprend qu’il y avait là de quoi s’émerveiller : Janis Joplin, dans la pleine floraison de sa jeunesse, incarnait cette énergie brute et sublime, la vie même, un sex-appeal de ouf. Cette rencontre change la vie de Lucie Baratte. L’énergie de Janis coule littéralement dans ses veines, à tel point qu’elle pense un moment être sa véritable réincarnation. Une présence forte, douce et réconfortante qui ne la lâchera pas.

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© D.R.

Alors, à trente ans, elle entreprend le voyage… Elle atterrit à Houston, Texas, loue une Chevrolet à boîte automatique et arrive à Port Arthur, au sud du Texas, là où Janis Joplin est née. Elle voit sa maison d’enfance, s’émerveille devant une signature gravée sur une rampe d’escalier, boit du Southern Comfort, l’alcool préféré de la star, et photographie les lieux.

L’esprit de Janis est-il là ? Au détour d’une rue de Port Arthur, elle ne peut que constater l’absence.

La quête est-elle vaine ? Qui Lucie cherche-t-elle vraiment, sinon elle-même peut-être, reflétée dans le miroir que lui tend Janis ?

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© D.R.

Sur la route, Lucie Baratte fait des rencontres, au détour des bars, des clubs et des hôtels. Elle passe un moment difficile, consécutif à de trop nombreuses piqûres de moustiques, puis trace la route. Austin, Las Vegas, entre autres, puis San Francisco, enfin. On se souvient que le quartier de Haight-Ashbury était un haut lieu de la vie hippie, du “Flower Power” et de la musique psychédélique. “La terre d’adoption de Janis“. S’il est un lieu où doit se trouver le fantôme de Janis Joplin, c’est bien là.

C’est d’ailleurs l’expérience que fait Lucie, dans la maison de Dava Sheridan, veuve de feu Dave Sheridan, dessinateur et collaborateur de Gilbert Shelton sur la série de bandes dessinées underground Les Fabuleux Freak Brothers. Les deux femmes entendent retentir le rire de Janis Joplin. Expérience chamanique sans doute ; en tout cas, profond sentiment de communion et d’”entièreté” (“the entirety“).

Le voyage se termine à Los Angeles, où Janis est décédée le 4 octobre 1970. Sa présence s’estompe…

“Don’t compromise yourself” (Janis Joplin)

Les existences de Lucie Baratte et de Janis Joplin s’entremêlent subtilement au cours du voyage qui fait défiler les kilomètres et les années de vie de Janis jusqu’à la nuit et la dose d’héroïne fatales de 1970. La jeune femme de 30 ans n’a pas la vocation d’une rock star qui brûle toutes ses cartouches et meurt prématurément de ses excès. Ce voyage est initiatique. Il révèle à Lucie ce qui la lie pour toujours à Janis : le rock’n’roll est la “passion de vivre et d’être”, le refus de la tiédeur et du conformisme qui tue à petit feu les adultes.

“Quatre ans plus tard, Janis Joplin est toujours morte. Je suis toujours vivante.” C’est précisément le fait de continuer à vivre pleinement et de maintenir la flamme du rock qui témoigne d’une fidélité féconde à sa passion adolescente.

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© D.R.

Créativité et beauté sont aussi au rendez-vous dans cette lecture de Looking for Janis. C’est un bel objet, dont l’auteur a soigné tous les aspects, notamment la mise en page, la qualité du papier et la reliure — les cahiers sont cousus, fait suffisamment rare pour être souligné pour les amateurs de beaux livres !

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© D.R.

Dans le livre Looking for Janis, Les photographies et les croquis de l’auteur alternent avec le texte et raviront tous les amoureux des États-Unis, avec l’horizon infini de ses routes, ses déserts, ses enseignes lumineuses vaguement sixties, les collines californiennes ; et, bien entendu les fans de Janis Joplin.

Les extraits d’interviews (en anglais et traduits en français), particulièrement bien choisis, révèlent une profession de foi rock’n’roll qui fait mouche et qu’on peut résumer par cette formule définitive et métaphysique : “The more you live, the less you die” (“Plus tu vis, moins tu meurs”).

Citons enfin une discographie et une bibliographie bien fournies, ainsi qu’une préface signée Gilbert Shelton, père des Fabuleux Freak Brothers avec Robert Crumb.

Nous vous recommandons donc vivement de vous laisser embarquer par Lucie Baratte dans ce périple qui ressuscitera l’âme d’ado et de fan absolu qui sommeille en vous et que vous n’avez jamais oubliée tout à fait, l’esprit de ce fameux Kozmic Blues : “There’s a fire inside everyone of us, You’d better need it now.”

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Marie-Laure Surel

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