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[Critique] "Tuer un homme" (2016) d'Isabelle Czajka : L'autodéfense et ses conséquences 1 image

[Critique] “Tuer un homme” (2016) d’Isabelle Czajka : L’autodéfense et ses conséquences

Dernière mise à jour : février 26th, 2020 at 12:45 pm

Prix du Meilleur téléfilm au Festival de la Fiction TV de la Rochelle 2016, Tuer un homme d’Isabelle Czajka aborde la question de l’autodéfense et de ses conséquences . L’avis et critique de Bulles de Culture sur ce téléfilm diffusé le vendredi 27 janvier 2017 sur Arte.

Synopsis :

D’origine italienne, Matteo Belmonte (Frédéric Pierrot) a repris avec sa femme Christine (Valérie Karsenti) la bijouterie de ses beaux-parents dans une petite ville du Sud de la France. Lorsqu’un jour, un homme (Samuel Arnold) fait irruption dans leur magasin, tout bascule. Pointant une arme vers Christine, l’inconnu réclame le contenu des présentoirs…

Tuer un homme : légitime défense ou tentative de meurtre ?

Christine Belmonte : Allez, vas-y, tire, qu’on en finisse.

Dans une ville moyenne du sud de la France, un couple de bijoutiers, déjà cambriolés plusieurs fois, sont victimes d’un énième braquage. La femme, Christine, n’en peut plus et refuse d’obtempérer malgré l’arme plaquée sur sa tempe par le braqueur. Armé du vieux Beretta de son grand-père, le mari de Christine, Matteo, tire. Blessé, le voleur prend la fuite mais meurt un peu plus loin dans les bras de la fille (Eva Lallier) de celui qui l’a tué.

Y-a-t-il eu légitime défense ?

En effet, le problème est que l’arme du braqueur n’est pas retrouvée tout de suite et surtout que Matteo a fait feu deux fois sur lui avec une arme non déclarée. Commence alors dans cet unitaire de fiction intitulé Tuer un homme une lente descente aux enfers pour ce couple de commerçants d’apparence si soudée.

Un drame humain

Pour le téléfilm Tuer un homme, les scénaristes Pierre Chosson (Hippocrate, Shanghai Belleville) et Olivier Gorce (Chocolat, Primaire) adoptent un point de vue radical intéressant. Au lieu de montrer les points de vue de toutes les parties en présence — la famille de la victime sera à peine esquissée par exemple —, ils ont choisi de plonger le téléspectateur au cœur de la famille de celui qui a tiré et qui est alors confrontée aux conséquences de cet évènement tragique.

Et surtout, ils restent foncièrement sur le plan humain pour raconter cette histoire inspirée de plusieurs faits divers. En effet, s’ils évoquent bien évidemment les risques de commentaires racistes ou de tentative de récupération de ce fait divers par un parti politique (le braqueur était noir), c’est le côté humain de ce récit qui intéresse ces deux scénaristes. C’est-à-dire celui d’une famille qui va voler en éclats après cette tragédie.

Il y a tout d’abord le récit de cet homme honnête et travailleur qui va très vite être dépassé par les répercussions de son acte. Il y a ensuite celui de son épouse qui va partir en dépression et s’éloigner lentement de lui. Il y a enfin celui de leurs enfants :

  • le fils aîné (Eric Pucheu) qui voudra le défendre publiquement à travers un site internet et un comité de soutien qu’un politicien d’extrême-droite sera prompt à utiliser à des fins politiques ;
  • la fille qui ne sait pas comment réagir après avoir vu le braqueur mourir dans ses bras — un hasard scénaristique peut-être un petit peu gros — et qui vivra très mal la pensée que son père puisse être un assassin : “Je ne veux pas que tu sois un assassin, papa. Dis-moi que tu n’es pas un assassin”.

Tuer un homme et voilà toute une famille aimante qui vacille.

L’autodéfense et ses conséquences

Côté réalisation, le téléfilm Tuer un homme débute par des plans aériens qui plante le contexte d’une ville moyenne comme il y en a partout en France avec son stade, son école, son supermarché, sa gendarmerie… puis se place immédiatement et abruptement du côté de cet homme et de sa femme lors de la reconstitution du drame avec le juge.

Mais contrairement à un téléfilm comme Je suis coupable, diffusé récemment sur France 2, la réalisatrice Isabelle Czajka (D’amour et d’eau fraîche, La vie domestique) choisit délibérément de ne laisser aucune ambiguïté aux téléspectateurs sur ce qui s’est passé ce jour-là : toute la scène du braquage qui a mal tourné nous sera montré.

Car ici, ce n’est pas le geste qui est jugé — il le sera hors-champ par la justice — mais ce sont ses conséquences qui vont intéresser Isabelle Czajka. C’est un mari aimant, un père de famille impliqué dans l’éducation de ses enfants et un commerçant inséré dans la société dont la vie va brutalement basculer après ce fait divers dramatique que la réalisatrice met en scène.

Frédéric Pierrot : C’est un cauchemar… pour moi, pour ma femme aussi, les enfants. Je regrette.
Une voix off d’homme : Il l’a bien cherché aussi !
Frédéric Pierrot : Non, je regrette… vraiment.

Pour cela, elle s’appuie sur un casting réussi avec en figure de proue les deux excellents acteurs interprétant le couple de bijoutiers :

  • dans le rôle du bijoutier, Frédéric Pierrot (Les Revenants, Chocolat) incarne avec brio ce roc qui s’effrite ;
  • dans le rôle de sa femme, Valérie Karsenti (Résistance, Marjorie) interprète avec dignité cette mère de famille qui perd pied.

Ainsi, avec un scénario original, une réalisation subtile et une interprétation de premier plan, Tuer un homme est  un téléfilm poignant sur les conséquences dramatiques d’un acte d’autodéfense.

En savoir plus :

  • Tuer un homme est diffusé sur Arte le vendredi 26 janvier 2017 à 20h55
Jean-Christophe Nurbel

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