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[Critique & Interviews] Grégory Fitoussi et Mélanie Doutey (“La main du mal”)

Dernière mise à jour : février 1st, 2021 at 04:12 pm

Diffusé ce lundi 7 novembre 2016 sur TF1, La main du mal de Pierre Aknine est une mini-série avec Grégory Fitoussi, Mélanie Doutey et… JoeyStarr au casting. Retour sur la conférence de presse donnée par Grégory Fitoussi et Mélanie Doutey au Festival de la Fiction TV de la Rochelle 2016.

Synopsis :

Thomas Schaffner (Grégory Fitoussi) est un brillant avocat qui considère que tout le monde a le droit d’être défendu, même la pire des crapules. Appliquant ce principe, il plaide la cause de Luc Follet (JoeyStarr), un assassin qui a tué sauvagement une jeune femme. Il gagne son procès, Follet est libéré mais Thomas refuse de lui serrer la main. Vexé, ce dernier décide de s’en prendre à la femme de celui qui l’a défendu. Le début d’un terrible engrenage…

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La main du mal : Une série anglaise adaptée sur TF1

La main du mal est l’adaptation de la mini-série anglaise Perfect Crime (The Escape Artist, 2013) de David Wolstencroft (MI-5, Versailles) où les acteurs britanniques David Tennant (Broadchurch, Jessica Jones), Sophie Okonedo (Hôtel Rwanda, La gifle) et Toby Kebbell (La planète des singes : L’affrontement, Warcraft: Le commencement) étaient à l’affiche.

Les scénaristes Pierre Aknine — également le réalisateur de la série — et Gérard Walraevens (Ce soir je vais tuer l’assassin de mon fils) ont adapté la mini-série anglaise (3 épisodes de 60 minutes) en deux épisodes de 90 minutes pour TF1.

Pour composer le casting de la version française, Pierre Aknine s’est entouré d’un casting solide avec :

Luc Follet : C’est drôle, vous me rappelez quelqu’un.
Thomas Schaffner : Qui ?
Luc Follet : Moi.

Si La main du mal connaît une baisse de rythme au cours de son deuxième épisode, les acteurs n’en restent pas moins convaincants. En tout cas, le propos pessimiste, voire dérangeant, de la mini-série ne devrait pas manquer de provoquer un débat sur les failles du système judiciaire français soulevés par la série..

C’est lors d’une conférence de presse donnée à La Rochelle que nous avons pu en discuter avec les acteurs Grégory Fitoussi et Mélanie Doutey ainsi que sur leur collaboration avec JoeyStarr.

Rencontre avec Gregory Fitoussi et Mélanie Doutey

Avez-vous vu la version originale de la série avant de tourner La main du mal ?

Mélanie Doutey : Oui, je l’ai vue bien avant le tournage pour ne pas me laisser influencer. En même temps, le réalisateur Pierre Aknine s’est tellement détaché de la version originale qu’on a vraiment pu s’approprier les personnages. Mon personnage n’a rien à voir avec celui anglais [NDLR : interprété par Sophie Okonedo (Hotel Rwanda)].

Grégory Fitoussi : : Moi aussi, j’ai tenu à le voir avant. Ce n’était pas du tout gênant de le voir car il n’y avait pas de comparaison à faire. Je voulais voir un petit peu les faiblesses qu’avait la version anglaise pour essayer de faire encore mieux.

Pour mon personnage, je trouvais qu’il manquait d’arrogance au personnage bien que David Tennant soit un acteur indiscutable. Je trouvais que dans la version anglaise, cela ne se jouait que sur le fait qu’il ne lui serrait pas la main. Et j’avais l’impression qu’il fallait construire quelque chose en plus de ce geste. Mais la version anglaise est très bien aussi.

“On parle plus d’êtres humains que de l’univers de la justice”

Les systèmes judiciaires français et anglais sont très différents. Dans La main du mal, comment a été travaillé l’adaptation de l’un à l’autre ?

Grégory Fitoussi : C’est ce qui différencie vraiment les deux versions parce que le reste est quand même relativement fidèle à la version originale.

Mélanie Doutey : Pierre Aknine a vraiment recentré sur la partie “humaine” de l’histoire. On sent vraiment une dualité entre nos deux personnages. Alors que dans la version anglaise, on rentre plus dans le système judiciaire. Ici, on parle plus d’êtres humains que de l’univers de la justice.

Grégory Fitoussi : Oui, il y a beaucoup de relations qui sont développées. Avec Mélanie Doutey, on a essayé d’enrichir notre rapport en s’inventant un passé : quand est-ce qu’on aurait pu faire nos études ensemble ? Est-ce qu”il s’est passé un truc entre nous avant ? Après, il y a aussi cette relation avec le personnage interprété par JoeyStarr. Et il y a la partie famille avec ma femme et mes enfants.

Mélanie Doutey : Et le lien est Luc Follet, le serial killer.

“Tout le monde a le droit d’être défendu. Mais à quel prix ?”

Dans La main du mal, ce sont aussi deux conceptions de la justice qui opposent les deux avocats interprétés par vous deux…

Grégory Fitoussi : C’est le thème fort de la série : mon personnage qui pense que tout le monde a le droit d’être défendu et jusqu’où ça mène. Et pour un crime atroce, en plus. Où cela mène de défendre quelqu’un comme ça ? Et en même temps, c’est la justice française d’aujourd’hui : tout le monde a le droit d’être défendu. Mais à quel prix ?

Mélanie Doutey : Oui, c’est ça le thème fort du film : qui est coupable ? Qu’est-ce que la justice ? Comment défendre l’indéfendable ? On se sert d’un vice de procédure pour le faire sortir une première fois puis c’est une plaidoirie brillante qui le refait sortir. C’est honteux mais c’est le travail d’un avocat.

On est tous défendable. On ne défend pas une cause mais une personne. Et cette personne est coupable d’un crime atroce donc finalement, on est tous coupable et c’est ce que dit la mini-série. Et c’est toute la question : qu’est-ce que la justice et jusqu’où on peut aller ?

Grégory Fitoussi : On pense à ces avocats qui défendent les pires mais en même temps, heureusement. On est en France dans un pays de droits où tout le monde a le droit d’avoir un avocat et à être défendu. Et quand ils font bien leur boulot, c’est un peu écœurant parfois mais c’est la réalité, c’est comme ça.

“En défendant l’indéfendable, on finit par l’être aussi”

La main du mal est donc une mini-série qui porte un regard pessimiste sur la justice ?

Grégory Fitoussi : On n’est quand même dans une fiction. C’est un thriller donc il fallait des enjeux forts. Moi, je n’ai pas le sentiment qu’elle soit pessimiste.

Mélanie Doutey : Je pense que c’est juste un constat. On peut tous basculer de l’autre côté. En défendant l’indéfendable, on finit par l’être aussi.

La main du mal est aussi une histoire de compétition…

Mélanie Doutey : Bien sûr, entre deux égos. Il y a ce plaisir honorifique pour les avocats de défendre l’indéfendable. Ils sont tellement fiers de ça. C’est notre “battle” à Grégory et moi. Et c’est ça qui est intéressant, se retrouver à être aussi monstrueux que Luc Follet.

Grégory Fitoussi : Il y a aussi une histoire de rédemption dans la mini-série. Mon personnage est si convaincu au début que tout le monde a le droit d’être défendu que quand il va prendre ce dossier, cela va lui revenir en pleine figure et il va en payer le prix fort.

Pourtant votre personnage savait dès le départ que Luc Follet était coupable…

Grégory Fitoussi : Oui mais ce n’est pas le problème de l’avocat de savoir si son client est coupable ou non. Quoique j’ai parlé à des avocats qui m’ont dit qu’il ne peuvent pas prendre un dossier s’ils ne sont pas convaincus de l’innocence de leur client. Mais chacun a sa façon de fonctionner. Il y en a que ça ne gêne pas. Ce qui les intéresse, c’est l’honnêteté du rapport avec le client et gagner le procès.

“JoeyStarr peut vous mettre mal à l’aise très facilement”

Et comment s’est passé votre collaboration avec JoeyStarr dans La main du mal ?

Grégory Fitoussi : JoeyStarr fait partie des acteurs avec lesquels j’avais très envie de travailler. Parce qu’on sait que c’est quelqu’un de très instinctif, d’animal et de vrai. C’est quelqu’un qui n’arrive pas à faire semblant ou à mentir. Et c’est aussi quelqu’un de surprenant dans le jeu. Et c’est ce qu’on demande à un partenaire, être inattendu. Ce n’est pas quelqu’un qui a suivi une formation d’acteur mais il est devenu un acteur de grand talent parce qu’il a cette nature instinctive qu’on cherche quand on est acteur et qu’on peut perdre avec le temps parce qu’on prend des habitudes, des tics.

Donc j’étais très impatient de travailler avec lui. Et je me disais que même si ça ne se passait pas très bien, je pourrais me servir de tout. Parce que le rapport que mon personnage a avec le sien est un rapport très viril, animal. Les deux se jaugent, se testent, se regardent, se reniflent, se tournent autour. Et puis quand il s’assoit en face de vous et vous regarde, il y a quelque chose qui se passe. Il peut vous mettre mal à l’aise très facilement. Ça été un super camarade de jeu.

Mélanie Doutey : C’est vrai que JoeyStarr n’a pas suivi de formation mais il est tellement dans l’instant… C’est quelqu’un qui travaille beaucoup, qui adore ce métier d’acteur et le respecte. C’est quelqu’un de très à l’écoute dans le travail. Il est dans le moment présent donc chaque prise est toujours nouvelle avec lui. Il réinvente à chaque fois sa réplique et il est vraiment avec vous.

Moi, je n’ai pas du tout ressenti ce malaise dans les yeux. Il est généreux, il est concentré et il est appliqué. Et c’est assez touchant entre l’image qu’on a de lui et ce côté extrêmement travailleur et volontaire.

“C’est la première fois que j’ai un métier”

La main du mal a aussi la particularité de proposer un personnage féminin (une avocate arriviste) un peu inhabituel dans ce genre de fiction ?

Mélanie Doutey : C’est ça qui m’a plu dans l’écriture. Déjà, c’est la première fois que j’ai un métier. Généralement, je ne parle que d’amour et de mes chaussures. C’est un personnage qui brille et existe par son ambition. Et c’est très intéressant. Le personnage n’est pas sympathique.

La série prend aussi son temps…

Oui, Pierre Aknine prend vraiment le temps d’installer une situation et de respirer. La façon dont on pose la famille, c’est très important parce qu’après, c’est ce qui donne l’affect à la suite. Dans la vie, on n’est pas dans cette efficacité que nous impose la fiction. Je trouve ça intéressant de poser les choses et ça change de ce que l’on a l’habitude de voir.

Il y a aussi les moments de silence…

Grégory Fitoussi : Avec Pierre Aknine, on savait que c’était important de laisser aussi des moments de silence pour créer le malaise. Par exemple, la première fois que je rencontre Luc Follet, on savait que la scène fonctionnait aussi par ces moments de silence, par ces regards — pour se jauger, s’observer — qui créent le malaise et donc cette situation très gênante pour tout le monde, y compris le spectateur.

Et comment s’est passé le tournage avec le petit garçon, interprété par Mathéo Rabeyrin ?

Grégory Fitoussi : Il a été très mignon. C’est un petit garçon qui a déjà joué [NDLR : il a joué notamment dans la série Doc Martin, diffusé sur TF1] donc il savait très bien ce qu’il faisait. C’était assez facile de travailler avec lui. Il avait des choses pas évidentes à jouer mais c’est un vrai acteur : il savait se concentrer, se préparer…

Propos recueillis le au Festival de la Fiction TV de la Rochelle 2016 le 16 septembre 2016.

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En savoir plus :

  • La main du mal est diffusé le lundi 7 novembre 2016 à 20h55 sur TF1
Jean-Christophe Nurbel

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