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Critique / “La Fille de Brest” (2016) d’Emmanuelle Bercot

Dernière mise à jour : octobre 27th, 2021 at 01:39 am

L’actrice Sidse Babett Knudsen, que l’on voit actuellement dans la série Westworld, incarne La Fille de Brest (2016), la fameuse lanceuse d’alerte à l’origine du scandale du Mediator, dans le dernier film réalisé par Emmanuelle Bercot. L’avis et la critique film de Bulles de Culture. 

Synopsis :

Dans son hôpital de Brest, une pneumologue (Sidse Babett Knudsen) découvre un lien direct entre des morts suspectes et la prise d’un médicament commercialisé depuis 30 ans, le Mediator. De l’isolement des débuts à l’explosion médiatique de l’affaire, l’histoire inspirée de la vie d’Irène Frachon est une bataille de David contre Goliath pour voir enfin triompher la vérité.

Le portrait d’une femme exceptionnelle

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© Jean-Claude Lother 2016 Haut et Court – France 2 Cinéma

Irène Frachon est pneumologue à l’hôpital de Brest. Elle commence à remarquer des symptômes étranges chez certains de ses patients traités par le Mediator, un médicament largement prescrit contre le diabète mais aussi, hors AMM, aux personnes souhaitant perdre du poids. Le cas d’une de ses patientes, Corinne (Isabelle De Hertogh), l’inquiète particulièrement.

Sous Mediator, ses patients développent des problèmes cardiaques potentiellement mortels : des valvulopathies. Irène s’interroge d’abord de son côté, avant d’alerter ses collègues et notamment le professeur Antoine le Bihan (Benoît Magimel), chef du service de cardiologie. A force de persuasion, Irène les convainc de lancer une étude épidémiologique.

C’est le début d’une bataille qui commence dans les cartons d’archives de l’hôpital de Brest. On pourrait penser que c’est peu cinématographique, mais Emmanuelle Bercot parvient, dès le début dans La Fille de Brest, à nous intéresser à cette intrigue médicale pourtant scientifiquement exigeante.

La clé est peut-être dans la personnalité d’Irène Frachon, excellemment interprétée par l’actrice danoise — choix étonnant au demeurant mais qui se révèle pertinent.

C’est d’ailleurs cette personnalité qui a donné envie à la réalisatrice de se lancer dans ce film. A son professionnalisme et son obstination toute bretonne s’ajoute une certaine excentricité, une joie de vivre qui créent l’attachement.

La Fille de Brest : une Erin Brockovich à la française ?

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© Jean-Claude Lother 2016 Haut et Court – France 2 Cinéma

Le discret caméo de la « vraie » Irène Frachon, au détour d’un couloir d’hôpital, n’est pas le seul point commun avec le film de Steven Soderbergh avec Julia Roberts. Comme dans Erin Brockovich (2000), l’héroïne de La Fille de Brest (puisqu’il s’agit littéralement d’une héroïne) découvre petit à petit que les étranges corrélations chez ses patients cachent un scandale bien plus grand qu’elle — et que l’hôpital de Brest.

Mais lorsqu’elle fait part de ses conclusions aux autorités sanitaires nationales (l’Afssaps, devenue depuis l’ANSM), elle est moquée par les responsables qui prennent de haut cette petite médecin provinciale. Les laboratoires Servier, commercialisant le Mediator, ont bien sûr quelques soutiens dans cette instance. Mais un encouragement discret et surtout le mépris révoltant pour les patients décédés poussent Irène à continuer de plus belle son combat.

David contre Goliath, pot de terre contre pot de fer, les analogies sont nombreuses mais difficile de rendre compte du courage dont a dû s’armer la pneumologue pour renverser un tel adversaire.

Un thriller social à la brestoise

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© Jean-Claude Lother 2016 Haut et Court – France 2 Cinéma

Les recherches pour l’étude épidémiologique, les allers-retours devant les instances sanitaires, la bataille judiciaire qui commence dès la parution du livre pourraient être laborieux en tant que spectateur, mais c’est sans compter sur le talent d’Emmanuelle Bercot : l’écriture et la mise en scène nerveuses de La Fille de Brest contribuent à nous tenir en haleine devant un combat dont on connaît pourtant l’issue — même si, dans la réalité, le procès pour l’indemnisation des victimes n’est toujours pas terminé !

Son précédent film, La Tête Haute, montrait déjà sa capacité à mettre en scène la nervosité dans un drame social. Par ailleurs, elle n’hésite pas non plus à montrer la réalité crue des corps décédés et autopsiés, ce qui rappelle bien que cette affaire, au-delà d’une bataille médecin/industriels, a bel et bien tué des patients.

La relation conflictuelle et parfois ambiguë entre Antoine le Bihan et Irène Frachon, fictive et inventée pour le film, va parfois légèrement trop loin mais ajoute néanmoins une tension dramatique intéressante. On sent l’inspiration américaine d’Emmanuelle Bercot pour faire de La Fille de Brest un véritable thriller.

Irène Frachon est bien sûr l’héroïne du film, mais elle n’écrase pas pour autant le reste des personnages :

  • sa famille, d’abord, qui semble formidable et permet de comprendre comment elle a pu continuer de se battre sans s’épuiser ;
  • Antoine le Bihan, son collègue cardiologue qui l’a soutenu malgré les sacrifices personnels que cela lui aura coûté ;
  • le « Père Noël » de la CNAM ;
  • Flore, l’étudiante en pharmacie qui fait sa thèse sur le Mediator ;
  • l’éditeur du livre (Gustave Kervern) ;
  • la journaliste…

Autant de personnages hauts en couleur qui forment l’armée bigarrée en guerre contre Servier et la corruption dans la santé.

Notre avis ?

On sort de La Fille de Brest inspiré, ragaillardi, prêt à en découdre, persuadé d’avoir été contaminés par le courage et la détermination de cette héroïne vent debout.

En savoir plus :

  • Date de sortie France : 23/11/2016
  • Distribution France : Haut et Court
Lauriane N.

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