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Romeo et Jeannette affiche

[CRITIQUE] “Roméo et Jeannette” (2016) par Vincent Marbeau, une interprétation attrayante d’Anouilh

Dernière mise à jour : avril 5th, 2019 at 01:06 am

La pièce Roméo et Jeannette de Jean Anouilh, dans une mise en scène de Vincent Marbeau, se joue actuellement au Théâtre le Brady. Si le titre annonce presque une parodie du chef-d’œuvre shakespearien, Anouilh livre là une pièce profonde et sombre portée ici par une mise en scène aboutie.

Synopsis :

Julia (Aurore Elkouby) et Frédéric (Thomas Cauchon) se marient prochainement. A cette occasion, Julia doit présenter sa famille à son fiancé et à sa future belle-mère (Lydie Rigaud), avec quelques appréhensions, qui se confirment quand elle arrive : bien qu’ayant téléphoné à l’avance pour que tout soit nettoyé et rangé et qu’un bon repas soit préparé, personne ne les accueille. Bientôt, surgit pourtant le frère de Julia, Lucien (Vincent Marbeau), un mari trompé, cynique et désabusé, puis le père (Jean Marc Dethorey), jovial et désordonné et enfin Jeannette (Axelle Delisle), la soeur, volcanique et imprévisible, dont l’apparition mettra à jamais en désordre la destinée pourtant bien rangée des amoureux…

Roméo et Jeannette :
une fresque finement ciselée

 

Renouveler le mythe shakespearien, tel est l’office de Roméo et Jeannette d’Anouilh, une pièce savamment mise en scène par Vincent Marbeau.

Un drame déroutant qui s’abstrait des codes de la tragédie classique, dans lequel les sentiments violents, les passions ancestrales côtoient la trivialité d’un repas en famille ou d’un ménage nécessaire.

Vincent Marbeau saisit bien l’essence de cette pièce du grand dramaturge qu’est Jean Anouilh et nous offre une mise en scène qui en est digne. Un décor sobre, constitué d’un fauteuil, une table, des chaises, qui saura évoluer au fil des scènes. Des acteurs aux costumes simples, évoquant une époque passée sans être trop ancienne et qui se meuvent avec plus ou moins de vivacité selon leur caractère, qui occupent la scène et font vivre la pièce en adéquation avec le texte d’Anouilh.

Ainsi Julia, amoureuse naïve, déambule sur scène au départ avec légèreté, malgré sa déception devant une famille qui n’a cure de son mariage.

Frédéric son fiancé, au port altier, frappé par la passion, s’agitera de plus en plus au fil de l’intrigue,

La mère de Frédéric, en retrait, est soupçonneuse, le père, flegmatique, détaché, sans-souci.

Lucien, le frère, cynique, malheureux, observe et distille des remarques assassines, ondule presque, comme pour répandre des avis maussades et désenchantés sur les événements que vivent les autres personnages.

Enfin Jeannette, aussi éruptive et dangereuse que sa sœur Julia, est sincère et raisonnable. Elle anime le plateau, occupe l’intégralité de la scène par ses mouvements, presque comme une danse.

Ce ballet est très travaillé, soigné. Le spectateur ne peut qu’y être sensible. Vincent Marbeau sert parfaitement le texte d’Anouilh et laisse aux acteurs le soin de porter toute l’intensité grandissante de la pièce.

Chacun d’eux et d’ailleurs excellent. Mention spéciale, à nouveau, à Vincent Marbeau qui, non content de mettre en scène Roméo et Jeannette, joue un Lucien admirable.

Du grand Anouilh

 

Roméo et Jeannette est une pièce relativement méconnue de Jean Anouilh, qui fait partie de ses pièces “noires”, avec notamment Eurydice, Jézabel, Antigone ou Médée. 

Anouilh s’affranchit de l’héritage shakespearien, n’hésite pas à jouer de la gouaille de certains de ses personnages, employant un vocabulaire qui n’est pas toujours choisi, brisant les conventions de langage, laissant place à l’anachronisme.

Pour autant, Anouilh, comme souvent dans son théâtre, est l’auteur de répliques brillantes. Il témoigne d’une analyse raffinée de sentiments et de passions.

L’amour impossible dans Roméo et Jeannette est subtil, douloureux, fonctionnant en miroir avec les désillusions permanentes de Lucien, dont le rôle sert aussi à souligner la cruelle réalité de l’existence.

La mise en scène, comme le jeu des six acteurs de cette version de Roméo et Jeannette, mettent en valeur le texte d’Anouilh. C’est l’occasion de découvrir ou redécouvrir cette partition qui n’est pas la plus célèbre de l’écrivain dramaturge, mais qui est évidemment de haute tenue.

Une reprise au Théâtre Le Brady qui mérite vraiment d’être vue.

 

 

En savoir plus :

  • Roméo et Jeannette de Jean Anouilh, mise en scène Vincent Marbeau, au Théâtre Le Brady (Paris, France) jusqu’au 26 mars 2016, les vendredi et samedi à 20h.
Agathe M.

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