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AFFICHE LA MEDIATION

La Médiation de Chloé Lambert, une brillante comédie de moeurs

Dernière mise à jour : avril 5th, 2019 at 01:06 am

AFFICHE LA MEDIATION

La Médiation de Chloé Lambert, dans une mise en scène de Julien Boisselier, se donne actuellement au Théâtre de Poche-Montparnasse. Une pièce dans laquelle un couple déchiré se rend, à la demande d’un juge, à une médiation pour décider du meilleur sort à réserver à leur enfant. Notre avis.
    

Synopsis :

Pierre (Julien Boisselier) et Anna (Chloé Lambert) ont vécu une séparation houleuse, mais ils ont un enfant en commun. Ils acceptent péniblement une médiation familiale, censée leur permettre de décider judicieusement de l’organisation qu’ils doivent adopter pour la garde de ce dernier. Ils rencontrent ainsi deux médiatrices, une dame expérimentée, Isabelle (Raphaëline Goupilleau) et Jeanne (Ophélia Kolb), une jeune femme qui débute tout juste son métier. Pierre et Anna réussiront-ils à s’entendre avec l’aide de ces deux professionnelles qui ne semblent pas avoir la même vision de leur mission ?

      
Une création théâtrale fantastique

 

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© Brigitte Enguerrand

 

La Médiation de Chloé Lambert fait partie de ces pièces aux facettes multiples qui font vivre et aimer la création contemporaine. 

Le sujet qu’aborde Chloé Lambert semble a priori offrir toutes les ressources pour que la pièce soit vivante : deux anciens amoureux qui aujourd’hui se haïssent, obligés de se retrouver dans le huis clos d’un bureau pour le bien-être de leur fils. La confrontation s’annonce rude, entre les parents tout d’abord, mais également avec les deux médiatrices. 

Le spectateur est nécessairement intrigué, appelé à suivre cette “médiation”, curieux de connaître le dénouement. En l’espèce, ce “nouveau mode de règlement alternatif de conflits” va-t-il porter ses fruits ? 

Outre cette toile de fond qui aiguise l’attention du spectateur, la pièce de Chloé Lambert est riche, car portée par une mise en scène particulièrement réussie et un quatuor d’acteurs très habile.

Julien Boisselier, ici metteur et scène et comédien, opte pour une mise en scène sobre, puisque les scènes se déroulent exclusivement dans le bureau des deux médiatrices ; un choix judicieux pour symboliser un espace confiné dans lequel toutes les tensions vont s’exacerber. 

Pierre et Anne sont de chaque côté de la pièce, ne se rapprochent que pour s’invectiver. Au centre, les deux médiatrices tentent de garder en main les entrevues, d’apaiser le conflit, de recadrer l’un ou l’autre des partenaires. Pourtant, les deux femmes elles-mêmes sont en désaccord sur la manière de mener la médiation, la plus âgée préférant rester extrêmement professionnelle, la plus jeune se risquant à sortir des sentiers battus. 

Julien Boisselier choisit de placer dans ce bureau austère un tableau (en fond de scène) sur lequel Jeanne note les “mots- clés” des rendez-vous. Le metteur en scène introduit également un siège d’enfant qu’Isabelle, l’aînée des médiatrices, place au milieu de la scène et qu’Anna, par moment, saisit contre elle… La froideur apparente d’une procédure juridique ne peut occulter les ressorts humains d’une situation dans laquelle le bonheur d’un enfant est en jeu.

Une pièce étoffée et profonde

 

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© Brigitte Enguerrand

 

Chloé Lambert nourrit intelligemment la personnalité de chacun de ses personnages. Chacun dévoile au cours de la pièce la complexité de son caractère.

Anna, admirablement jouée par Chloé Lambert, est une femme trahie, blessée, mais aussi surprotectrice, voire oppressante. Pierre, interprété par un Julien Boisselier sémillant, n’est pas uniquement un homme volage, préoccupé égoïstement par sa carrière. Il se soucie véritablement de son fils.

Les deux médiatrices ne sont pas de simples collègues mais entretiennent un lien familial, puisqu’Isabelle est la mère de Jeanne. La mission qu’elles ont choisi d’exercer, celle d’aider des couples à s’entendre pour la garde de leurs enfants, est nourrie d’un paradoxe très personnel puisqu’on comprend que chacune d’elles a souffert de son rapport aux hommes.

Isabelle, merveilleusement incarnée par Raphaëline Goupilleau, au départ très rigide, s’assouplit face au cas particulier constitué par Pierre et Anna. Jeanne, à laquelle donne vie une divine Ophélia Kolb, semble plus insouciante, plus à même d’introduire des sentiments dans la gestion de la médiation, ce qui s’explique un peu plus tard par le dévoilement d’un passé familial douloureux.

La force de La Médiation réside aussi dans ce dilemme intenable entre la neutralité voulue par une procédure encadrée par la loi et le vécu de chacun qui pousse invariablement à juger la situation de son propre point de vue.

Le spectateur est lui-même soumis à cette aporie : il est, comme les médiatrices, constamment tenté de prendre le parti de l’un ou de l’autre. Au delà de “l’intrigue” initiale, à savoir l’entente finale ou non entre Pierre et Anna concernant la garde de leur fils, La Médiation offre le spectacle de passions enterrées ou présentes, de sentiments violents, de douleurs enfouies ou à venir. 

Ce tableau haut en couleurs donne ainsi une pièce bigarrée, face à laquelle on sourit, on rit, on se moque des petits défauts, on tremble, on déplore.

Un excellent moment qui passe trop vite.

 

 

En savoir plus :

  • La Médiation de Chloé Lambert au Théâtre de Poche-Montparnasse (Paris, France), du 8 janvier au 17 juillet 2016
Agathe M.

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