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Série Series - Todd A Kessler
© Denis Tison
Bulles de Culture

#SerieSeries, masterclass Todd A. Kessler (Bloodline)

Dernière mise à jour : avril 11th, 2019 at 04:29 pm

Série Series - Todd A Kessler
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Une masterclass de haute volée avec Todd A. Kessler, scénariste, showrunner de Damages et Bloodline, actuellement sur Netflix. Rappelons au passage qu’Eric Rochant a observé le travail de Todd A. Kessler et son équipe sur Damages pour appréhender  le métier de showrunner et le processus créatif spécifique aux séries américaines. On en saura d’ailleurs plus jeudi lors d’un regard croisé entre les deux créateurs. En attendant, voici la retranscription de la masterclass du showrunner américain par Bulles de Culture.

La masterclass a été modérée par Jed Mercurio, auteur-scénariste (The Line of Duty, 2002) et showrunner (Critical, hospital show diffusé en février 2015 sur Sky1 en Angleterre). Voici une sélection des questions/réponses de la masterclass : 

Jed Mercurio (JD) : Préféreriez-vous faire un pilote et revenir ensuite sur l’écriture pour faire des changements ?

Todd A. Kessler (TAK): Plus on a de temps pour penser à créer l’univers, mieux c’est. On collabore tous en équipe sur tout le process, les comédiens… Cela prend du temps à créer tout cela. Trouver le bon ton, cela prend du temps.

JD : Collaborer avec tout le casting pendant tout le process, c’est très intéressant pour les européens, car c’est plutôt rare et unique. Comment cela a fonctionné entre les 3 créateurs ?

TAK : C’est très “challengeant” car on bosse à trois et il faut prendre toutes les décisions à 3 et à un moment, il faut trancher. Mais sur plusieurs points, c’est très positif d’être trois, car on peut se concentrer sur plusieurs aspects en même temps. Comme le disait Eric Rochant ce matin : Eric tourne 8h par jour. Nous, c’est 14 à 15h par jour. On fait tout en même temps, le casting, la production, l’écriture et c’est le showrunner qui gère tout cela. Mais de mon point de vue, toutes les étapes sont importantes. Écrire le script est important, le plateau de tournage, la salle de montage, tout est important. Mais le process est très organique. Que ce soit Damages ou Bloodline, tout cela est possible parce qu’on est trois à tout gérer.

JD : Quelles sont les contraintes liées à Netflix à propos de la diffusion ?

TAK : Sur Netflix, si un épisode plaît, tous les épisodes sont alors visibles pour le public. Donc, le spectateur peut tout regarder d’un seul coup. Donc, on est obligé de tout tourner avant de diffuser, en tout cas sur ce canal de diffusion.

Modérateur : Quelles sont les flexibilité sur la production ?

TAK : Le processus aux États-Unis est gouverné par les syndicats, les trois principaux, l’Actor’s Guild, la Writer’s Guild… donc c’est un challenge pour le storytelling sérialisé et feuilletonnant, car il faut que tout soit ok pour avancer. Pour Damages ou Bloodline, cela a été le cas. C’est moins contraignant pour CSI (Les Experts), car on peut diffuser dans n’importe quel ordre quasiment, donc les agendas et contraintes sont plus souples. On écrit pendant la diffusion, au fil de l’eau. On n’écrit pas tout à l’avance. Plus spécifiquement, les flash-forwards sont difficiles à gérer, car il faut les penser et les intégrer dès le début du tournage.

JD : Que pouvez-vous nous dire sur la ligne narrative de Bloodline ?

TAK : En terme de personnage, il y a 4 membres d’une même famille, dont 3 frères. Il y a parmi eux un mouton noir, et en terme de construction, on s’est beaucoup posé la question : qu’est-ce cela veut dire et implique d’avoir un mouton noir dans une famille ? Souvent, c’est l’oncle dont on ne veut pas parler, ou le looser du groupe. Cette personne n’est pas seulement une anomalie, mais il y a aussi une partie de cet ADN que ce personnage porte et que les autres membres de la famille ne veulent pas voir. Parmi cette fratrie, il y en a un qui prend en charge les travers du mouton noir, histoire finalement aussi de le cacher, ou que ça n’explose pas. Le dernier de cette fratrie est plus celui qui prend les choses à la légère, mais en même temps est un impulsif. La plus jeune sœur est celle qui veut faire le plus plaisir à sa famille, va à l’école, fait des études. Elle aime le côté rural des choses, sa famille, ses origines… Ces 4 membres de la famille sont les 4 piliers d’une même chaise. Que se passe-t-il si l’on ajoute un 5e pied et qu’on enlève un pied ‘sain’ ? En fait, le show fait vraiment référence à la fratrie et ce que cette notion implique.

JD : En terme de casting, avez-vous sélectionné les gens en fonction de l’envie de travailler avec eux ?

TAK : Ça fait 18 ans que je travaille à la TV. On a seulement rencontré un acteur, Ben Mendelsohn pour jouer le rôle principal. C’est un acteur australien qui n’a jamais joué dans une série US. Son agent adorait Damages, ce qui a été une chance pour le convaincre. Le reste du cast, ça s’est passé comme dans une famille. Kyle Chandler avait joué dans des séries qui avaient tous eu des récompenses. Il joue le rôle d’un entraîneur de football. On a pensé que pour son public qui est habitué à le voir dans des rôles de sportif, on a pensé que ce serait une bonne chose qu’il fasse quelque chose de différent. Ça surprendrait son public.

– ATTENTION SPOILER –

Là, pour son rôle, il tue son frère !

– FIN SPOILER –

JD : Parlez-moi de Ben Mendelsohn qu’on a pu voir dans The Dark Knight Rises. Il a joué un rôle incroyable, en jouant dans un anglais impeccable et je ne savais pas qu’il était australien. Comment choisissez-vous vos acteurs ?

TAK : C’est particulier de travailler à la TV, car tout le monde se protège. Les agents protègent leurs clients. Et c’est normal, car la relation avec un acteur s’étalant sur plusieurs mois, voire plusieurs années. Ce qui est très différent du cinéma, car on voit un acteur quelques mois et si on ne s’entend pas, c’est fini. Là, c’est très différent. Par exemple, avec Glenn Close sur Damages. Elle n’avait jamais joué à la TV, sur toute une série d’affilée. Elle a demandé si elle pouvait écrire tout son rôle, et on lui a dit qu’on ne préférait pas. Car si elle construit quelque chose qui va dans un sens différent de ce qu’on a fait sur la 1ère saison car pour son évolution ou les saisons suivantes, ça va être compliqué. Elle a dit : ok, ok. Et elle s’est glissée dans le processus par la suite et ça a été cool.

JD : Un mot sur le mode de diffusion de Netflix ?

TAK : Si on avait vendu Bloodline à FX, par exemple, on aurait eu des coupures pub toutes les 12 minutes, alors qu’avec Netflix, on a un épisode d’une heure sans interruption. 

JD : A quel moment avez-vous su que vous alliez écrire pour la TV ?

TAK : J’ai été très influencé par NYPD Blues. Je me suis dit : attends, c’est le 1er show que je vois en train de développer des personnages comme ça sur toute une saison. J’avais 22-23 ans, j’étais à la fac et je travaillais avec Spike Lee sur un projet tombé à l’eau. Du coup, je suis passé au théâtre sur des projets, à la mise en scène et j’ai beaucoup appris. A la TV, on a besoin de scénariste, parce qu’il y a des shows tous les jours. On peut apprendre de l’expérience des autres scénaristes aussi. J’ai décroché mon premier job à la TV quand j’avais 24 ans.

JD : Faites-vous plusieurs versions du scénario ?

TAK : Oui, on fait plusieurs versions, c’est inclus dans tout le processus. On est 3 à écrire et réécrire, jusqu’à la veille du tournage. Mais on n’a jamais écrit la saison en entier pour la tourner ensuite. C’est un processus intégré, global.

JD : Comment faites-vous pour pitcher une série comme Bloodline ou Damages ?

TAK : On a notre propre process à nous trois [NDLR : c’est-à-dire les trois les créateurs]. Fondamentalement, les séries que l’on fait, on est complètement connectés avec, de l’intérieur. On a parlé de nos visions de la famille sur Bloodline, mais pas de notre famille. Le fait que l’on en ait une nous influence, nous inspire, forcément. Mais c’est un tel thème universel. On avait l’impression que les shows précédents étaient un peu trop sentimentaux pour nous, et malgré les drames, la vie reprend ses droits et revient à la normal. Alors qu’on avait un point de vue plus dramatique. Et l’audience a suivi.

JD : Merci.

 

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http://www.serieseries.fr/ (site officiel du festival)
https://en.wikipedia.org/wiki/Jed_Mercurio
https://en.wikipedia.org/wiki/Todd_Kessler

Denis Tison

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