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Le Jour se lève (1939-2014), version intégrale / Daybreak (1939-2014), director’s cut

Dernière mise à jour : mars 25th, 2019 at 12:52 pm

<i>Le Jour se lève</i> (1939-2014), version intégrale / <i>Daybreak</i> (1939-2014), director’s cut 2 image
© StudioCanal

Considéré comme l’un des dix plus grands films français de l’histoire du cinéma, Le Jour se lève de Marcel Carné est un chef-d’œuvre dont la beauté n’a fait que décupler au fil du temps. Sorti en salles quelques semaines avant l’entrée en guerre de la France, le film avait dès lors été privé de certaines scènes jugées trop défaitistes ou osées par le régime de Vichy. Réédité pour la première fois en version restaurée et intégrale, Le Jour se lève est actuellement disponible sur la plateforme FilmoTV
Ranked among the top 10 best French films ever made, Daybreak by Marcel Carné is a masterpiece which beauty keeps empowering over time. The film release was only a few weeks before the country engaged in the WWII conflict. Daybreak is now available on FilmoTV in its restored version, added with original scenes initially banned under the Vichy regime.

More in English >> (Translation in progress, come bubble later)

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Synopsis : François (Jean Gabin) tire sur Valentin (Jules Berry) dans un éclat de fureur. Cloîtré dans sa chambre en attendant que la police vienne l’arrêter, François l’ouvrier se souvient : le sable dans la gorge, le dur labeur, sa rencontre avec la douce Françoise (Jacqueline Laurent), sa complicité avec Clara (Arletty) et sa haine grandissante pour Valentin, miroir de sa propre misère. 
C’est dans un climat de désillusion que Le Jour se lève  sort dans les salles françaises le 9 juin 1939. Apparenté à un courant cinématographique français que d’aucuns définiront plus tard par le nom de réalisme poétique (ou réalisme dépressif), le film aborde avec une profonde mélancolie la situation d’un pays dont l’élan d’optimisme, ressenti du temps du Front Populaire, n’est plus qu’un lointain souvenir. Le Jour se lève illustre une désunion du corps social : ici, l’homme est marginalisé, mis à distance de la foule. 
Plus que le portrait noir d’une époque, Le Jour se lève se démarque par l’originalité de sa structure narrative : les flashbacks, fragments de mémoire incorporés ici et là, expriment un passé révolu et confèrent au film son caractère hautement subjectif. Un tel procédé était novateur pour un film d’avant-guerre, ce qui perturbera d’ailleurs les spectateurs lors des premières projections. Le scénario est écrit par Jacques Viot, ancien poète du mouvement surréaliste, en collaboration avec le dialoguiste Jacques Prévert. Le Jour se lève emprunte les codes du genre mélodramatique tout en puisant dans le registre de la tragédie. Le héros, retranché tout en haut de sa tour infernale, se remémore les événements qui l’ont poussé à commettre un meurtre. Ces dernières heures passées en sa compagnie sont celles d’un condamné. 

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Marcel Carné réunit les stars du cinéma français des années 30, Jean Gabin et Arletty, avec lesquelles il a travaillé respectivement sur Le Quai des brumes et Hôtel du nord (Arletty y énonçait son fameux « Atmosphère, … » le long du Canal Saint-Martin).
Marcel Carné nous livre un acteur en état de grâce : à la fois tendre et amer dans son jeu, sincère et impétueux, Jean Gabin transcendé devient François, figure mythique de l’ouvrier, homme brisé par le travail à la chaîne et dévoré par la jalousie.
Aux côtés des deux monstres sacrés du 7ème art, Jules Berry endosse le rôle de bourreau des cœurs, Valentin, aussi vénal que machiavélique, personnage qui lui sied parfaitement depuis Le Crime de M. Lange (Jean Renoir, 1935). La jeune actrice Jacqueline Laurent, alors compagne de Jacques Prévert, complète ce quatuor aux amours enchevêtrées.

Le Jour se lève a été tourné à Boulogne-Billancourt dans les studios Paris Studio Cinéma. Les décors sont signés Alexandre Trauner, illustre chef décorateur non crédité au générique afin de contourner les lois anti-juives. On lui devra notamment la fabuleuse reconstitution du Boulevard du Crime dans Les Enfants du paradis en 1945.
La réédition de Le Jour se lève tient toutes ses promesses. En effet le long-métrage de Marcel Carné s’affuble d’une scène des plus réjouissantes pour la gente masculine : Arletty apparaît voluptueusement nue sous sa douche… mais plus que cela, il s’agit de restaurer un certain visage de la police que le réalisateur aura voulu montrer, une séquence ayant été délibérément coupée au montage, « gommée » en cette période de violente répression des manifestations – et des premiers recours aux gaz lacrymogènes -. Selon Dominique Maillet, cinéaste passionné : « Quelque part, Le Jour se lève, c’est le dernier sursaut du Front Populaire ».

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Le travail de restauration effectué ravive indéniablement la luminosité et la palette de nuances du noir et blanc, rehaussant ainsi la tonalité expressionniste, tantôt inquiétante, tantôt doucereuse du film. Ce gain de qualité visuelle participe d’une plus grande clarté d’écoute des dialogues qui se révèlent profondément incisifs, tant on apprécie à leur juste valeur les expressions de visage de chacun. La profondeur de regard de Jean Gabin, le sourire narquois d’Arletty, n’en sont que sublimés.

« On dit que les gens qui s’aiment sont plus vivants que les autres. Vous croyez que c’est vrai ? » (Françoise)

Injustement méconnu si on le compare à d’autres films de la même époque, Le Jour se lève est dorénavant accessible à un large public et mérite toute notre reconnaissance. Le film tire sa force de la modernité de son propos, tout en confirmant son inscription dans l’Histoire. Ce décor replié sur lui-même, sorte d’espace mental ou d’antichambre de la mort, préfigure celui de Huis-Clos de Jean-Paul Sartre, écrit quelques années plus tard. 1938-1939 marque une période de transition pour la France. Le Jour se lève est le passage d’une nuit à un jour nouveau, encore plus sombre. 

GwenfromNY


En savoir plus :
– http://www.filmotv.fr/film/le-jour-se-leve-version-restauree/6297.html
– FilmoTV propose pour la première fois Le Jour se lève dans une version inédite + en complément l’interview de Dominique Maillet

Gwenaëlle L.P.

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