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[CRITIQUE] “Des lendemains qui chantent” (2014), la rose au fusil

Dernière mise à jour : avril 5th, 2019 at 01:36 am

Dans la continuité de Le Nom des gens (2010) de Michel Leclerc où le personnage joué par Sara Forestier couche avec des hommes de Droite pour les convertir au socialisme ou de Télé Gaucho (2012) du même réalisateur sur la création d’une chaine de télévision libérale, Des lendemains qui chantent du réalisateur Nicolas Castro a cette fraicheur des films de gauche traitant, avec un idéalisme chevronné, d’un contexte politique parfois hasardeux.

 

Synopsis :

Olivier (Gaspard Proust) et Léon (Pio Marmaï) sont deux frères que tout oppose. Le premier est un grand communicant inséré dans les hautes sphères politiques en tant que directeur des campagnes électorales socialistes. Le second est un journaliste à la petite semaine en manque d’ambition et qui n’arrive pas à percer. Ils ont pourtant deux points communs : une passion pour la gauche et le béguin pour la même fille, Noémie (Laetitia Casta).
Echelonné sur 20 ans, l’intrigue autour des deux frères se confronte à la grande Histoire politique française. Débutant en 1981, jour de l’élection du président François Mitterrand, elle se termine en 2002 lors de l’échec de Jospin au premier tour présidentiel. Pour ce faire, le réalisateur insère à sa réalisation tout une partie d’images d’archives, tirées d’évènements emblématiques de cette double décennie. On y retrouve notamment l’interview du Président Mitterrand confronté à la question des écoutes de l’Élysée ou bien le célèbre débat Le Pen-Tapie. Ce dernier se fait d’ailleurs tacler dans le film, non sans humour, lors de nombreuses répliques cultes.
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© Thibault & Anouchka – Karé production – Delante Films
Pourtant, malgré ces personnalités du réel, c’est bien le travail autour de la conception des personnages de fiction qui doit être souligné. Par exemple, ce Sylvain Thalbault (Ramzy), jeune investisseur dans le minitel rose sachant surfer sur l’évolution technologique, fait immédiatement penser à Xavier Niel, actuel patron de Free qui avait, à ses débuts, fait fortune dans le business des rencontres coquines. De la même façon, Noémie, conquête des deux frères, est une femme marquée par la dichotomie. À la fois ambitieuse et fragilisée par cet univers très masculin, elle pourrait être la transposition de Najat Vallaud-Belkacem dont Laetitia Casta avoue s’être inspirée.
Véritable témoin de l’histoire française contemporaine, il peut être fait un parallèle entre l’œuvre engagée de Nicolas Castro et le cinéma pamphlétique de Ken Loach. Loin d’être figé sur la politique, le film porte un regard critique sur un fonctionnement sociétal axé sur le consumérisme et le pouvoir de la communication. En cela, le réalisateur sait rappeler certains slogans emblématiques des années 80, comme « Lunettes noires pour nuits blanches » ou le plus osé « Sucer, c’est tromper ? ». La presse n’est pas non plus épargnée. On se tord de rire en découvrant un simulacre de Laurent Joffrin, encore à Libération, qui se targue de participer à la conversion de la gauche au libéralisme.
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© Thibault & Anouchka – Karé production – Delante Films
Peut-être plus travaillé sur le fond que la forme, Des lendemains qui chantent prend quand même le pari difficile de l’ellipse temporelle. Chaque acte est un bond dans le temps nécessitant l’adaptation des costumes, des décors et des coupes de cheveux. Le voyage dans le temps est réussi. Paris empreinte ses airs d’antan à la manière de Minuit à Paris (2011) de Woody Allen. Enfin, Pio Marmaï crève l’écran dans le rôle de Léon. Devenu la grande figure du cinéma français de 2014, il arrive encore à insuffler une fraicheur bohème à l’œuvre de Nicolas Castro.
Des Lendemains qui chantent réussira peut-être le pari de réconcilier les français avec la politique. Un brin idéaliste, il rappelle aux nostalgiques la “génération tonton” et fait découvrir aux plus jeunes les bases d’une idéologie aujourd’hui en perdition.
Antoine Corte

 

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Antoine Corte

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