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Kick-Ass de Mark Millar et John Romita Jr. tome 1 image comics

Critique / “Kick-Ass”(comics) : la parfaite combinaison de solitude et de désespoir

Dernière mise à jour : novembre 23rd, 2020 at 11:45 am

Écrit par Mark Millar, illustré par John Romita Jr. et publié par Marvel Comics, Kick-Ass raconte les aventures de Dave Lizewski, lycéen sans histoire qui se fabrique une identité de justicier masqué pour combattre le crime. Mais, à la différence des super-héros de comics dont il s’inspire, Dave n’a ni super-pouvoir ni aptitude particulière au combat. Son cœur est à la bonne place, mais cela suffira-t-il ? L’avis et la critique de Bulles de Culture.

Kick-Ass : un récit classique et auto-ironique

Mise en abîme des récits de super-héros, Kick-Ass prend comme personnage principal un geek amateur de ces mêmes séries de comic books sur lesquels les deux co-auteurs, Mark Millar et John Romita Jr, ont l’habitude de travailler pour le compte de Marvel Comics.

Le récit, qui suit toutes les étapes “classiques” du genre (création du costume, baptême du feu, doutes sur sa mission, team-up avec des camarades d’arme, émergence d’une nemesis, bataille finale), est parsemé des commentaires en voix intérieure de Dave. Ceux-ci rappellent constamment les limites de ses capacités, sa motivation fluctuante et la dimension banale de son existence “civile”, tout en offrant une perspective auto-ironique sur son activité de justicier et sur le genre du comic book de super-héros.

Des ruptures de ton très marquées

L’intrigue de Kick-Ass fonctionne par ruptures de ton très marquées, et particulièrement choquantes pour le lecteur.

La première survient dès la fin du premier tome, lorsque Kick-Ass, déjà rué de coups et poignardé par trois voyous, se fait brutalement renverser par une voiture. À peine commencée, sa carrière de redresseur de torts est brisée dans l’œuf, et il finit temporairement paralysé.

Chaque étape majeure du récit subit ce traitement et prend systématiquement de court le lecteur, qui finit par craindre la suite tout en ne pouvant bien sûr pas s’empêcher de la lire.

L’apparition de Hit-Girl est évidemment un moment très fort de l’histoire, et son véritable tournant à partir duquel les illusions de Dave vont toutes être brisées une à une.

Mais surtout, la mort de Big Daddy s’avère particulièrement éprouvante : il est tout simplement abattu d’une balle dans la tête. Radicale, abrupte et parfaitement anti-héroïque, elle est d’une froideur sans concession, au point qu’on se surprend à espérer un quelconque deus ex machina comme les comic books en raffolent pour faire revivre le personnage.

Du désespoir des comics à la légèreté du long métrage

Constante dramatique de ce genre de récit, la question des origines éclaire particulièrement la vision noire et désenchantée de Mark Millar et John Romita Jr..

L’essence du personnage, liée à son statut de geek, est énoncée par Dave lui-même dans un de ses commentaires : “Il n’était pas nécessaire de subir un traumatisme pour vous faire porter un masque. Ni parents assassinés, ni rayons cosmiques, ni anneau de pouvoir… juste la parfaite combinaison de solitude et de désespoir” (Kick-Ass, tome 1).

Déchirant, ce constat court à travers toute l’histoire et marque profondément le personnage, qui ne réussit finalement pas grand chose et qui, surtout, s’avère assez peu héroïque. Comme il le dit ailleurs : “Mon origine secrète, c’est que je m’ennuyais” (Kick-Ass, vol.6).

Écrit en même temps que la bande dessinée, le film Kick-Ass s’en distingue essentiellement à ce niveau. L’histoire est similaire, la violence est tout aussi omniprésente, mais leur cœur est opposé. Au “désespoir” profond du livre répond la relative légèreté du film, dans lequel Dave énonce en voix-off : “Il n’était pas nécessaire de subir un traumatisme pour vous faire porter un masque. Ni parents assassinés, ni rayons cosmiques, ni anneau de pouvoir… juste la parfaite combinaison d’optimisme et de naïveté”.

Notre avis ?

Lecture à la fois jouissive et atroce, Kick-Ass laisse un souvenir indélébile dans l’esprit de son lecteur, qui aura rarement lu une bande dessinée aussi jusqu’au-boutiste dans son traitement souvent cruel des personnages, notamment dans sa façon de casser leurs ambitions, et surtout dans sa représentation d’une violence dont on ressent quasiment la douleur.

En savoir plus :

  • Kick-Ass, huit volumes depuis 2008
    Co-créateur, scénario : Mark Millar
    Co-créateur, dessins : John Romita Jr.
    Encreur : Tom Palmer
    Coloriste : Dean White
    Publié par Panini Comics en France pour Marvel Comics
Sébastien Simon

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